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presque seuls par leur labeur la richesse du pays, et pourtant ils vivent dans la misère. Est-ce vrai ?

LES OUVRIERS. — Trop vrai.

JEAN LEBRENN. — Pourquoi en est-il ainsi ? parce que vous ne possédez aucun droit politique.

L’OUVRIER. — À quoi ça nous serait-il bon le droit politique ?

JEAN LEBRENN. — Je vais vous le dire, mes enfants. Supposez que vous soyez tous électeurs comme l’étaient vos pères de la grande république, vous nommez des représentants ; ces représentants, vos mandataires, font les lois ; or, si vous choisissez des représentants sincèrement amis du peuple, n’est-il pas évident que, faisant les lois, ils les feront favorables au peuple ?

L’OUVRIER. — C’est clair.

JEAN LEBRENN. — Ainsi la loi peut décréter, par exemple, ainsi que sous la république, l’éducation des enfants, instruits et entretenus aux frais de l’État, depuis l’âge de cinq ans jusqu’à douze. — La loi peut décréter l’assistance pour les prolétaires invalides, pour les veuves chargées d’enfants ; assurer, par des moyens économiques, du travail aux citoyens en cas de chômage, et les soustraire à l’exploitation du capital ; enfin la loi peut changer votre sort du tout au tout, puisque, encore une fois, la loi est souveraine ; la loi peut tout dans les limites du possible, et cette loi est faite par vos mandataires ; or, comme par leur nombre, les prolétaires composent l’immense majorité des citoyens, ils sont donc assurés d’avoir la majorité dans les élections ; d’où il suit que s’ils choisissent bien leurs représentants, toutes les lois que font ceux-ci sont en faveur des prolétaires. Comprenez-vous cela, mes enfants ?

L’OUVRIER. — Très-bien, monsieur Lebrenn. En vertu de notre droit politique, nous choisissons les représentants qui font la loi, et ils la font à notre profit.


LES DEUX AUTRES OUVRIERS. — C’est bien aisé à comprendre.

JEAN LEBRENN. — Voilà pourquoi tant que vous ne jouirez pas de vos droits politiques, en un mot, de l’exercice de votre souveraineté, votre condition sera précaire et misérable.

L’OUVRIER. — Ça saute aux yeux ; mais ces droits, comment les avoir ?

JEAN LEBRENN. — Ces droits que la république avait consacrés en vous rendant votre souveraineté, l’empereur Napoléon et les Bourbons vous en ont dépouillés à leur profit ; ces droits, vous pouvez les reconquérir aujourd’hui par l’insurrection.