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aux voix la résolution qui nous reste à prendre. Chère femme, quel est ton avis ?

MADAME LEBRENN, d’une voix grave. — C’est une terrible extrémité que la guerre civile : vainqueurs ou vaincus, la mère patrie a toujours des enfants à pleurer ; mais il n’y a pas à hésiter aujourd’hui ; il faut choisir entre une servitude abjecte ou la révolte. Aussi, le deuil dans l’âme en songeant à cette lutte fratricide, je dis à mon mari, à mon fils : Il faut combattre pour défendre les quelques libertés dont la royauté ne vous a pas encore dépossédés ; il faut combattre pour reconquérir, s’il se peut, l’héritage de la grande république. Elle seule peut affranchir moralement et matériellement les déshérités de ce monde, en vertu de ces immortels principes : Liberté, — égalité, — fraternité, — solidarité ; — donc, selon moi, il faut combattre. Que le sang qui va couler retombe sur la royauté ! elle seule a provoqué cette lutte impie !

JEAN LEBRENN, à sa belle-fille. — Quel est votre avis, chère Hénory ?

HÉNORY. — Celui de ma mère.

JEAN LEBRENN. — Et le tien, Castillon ?

CASTILLON. — Bûcher à mort, et ça ira !

DUCHEMIN. — C’est pas la peine de m’interroger, monsieur Lebrenn ; vous n’avez qu’à regarder mon mousqueton ; la batterie est huilée et le chien garni d’une pierre neuve.

JEAN LEBRENN. — Que pensez-vous, mon cher Martin ?

MARTIN. — Je dis comme madame Lebrenn : c’est une terrible extrémité que la guerre civile ; mais la résistance légale est impossible ou dérisoire. Lorsqu’un gouvernement en appelle au canon pour soutenir son coup d’État, l’insurrection devient le plus sacré des devoirs.

JEAN LEBRENN. — Est-ce votre avis, Duresnel ?

DURESNEL. — Oui, et d’autant plus que, selon moi, l’insurrection a toute chance de succès. Quant à affirmer que le succès amènera le rétablissement de la république, je m’en garde, de crainte d’une déception ; mais nous aurons toujours fait un grand pas en chassant une dernière fois les Bourbons ; et quel que soit le gouvernement qui leur succède, il nous rapprochera forcément de la république !

LE GÉNÉRAL OLIVIER, prévenant la question que va lui adresser Jean Lebrenn. — Mon ami, je n’ai qu’une manière d’expier le passé, c’est de me battre pour la république, ou de me faire tuer pour elle !

JEAN LEBRENN, à son fils. — Quant à toi, Marik, tu as pensé