Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/361

Cette page n’a pas encore été corrigée

vous nommer commandant en chef de la barricade, ainsi qu’en 93, dans les bataillons de volontaires, nous élisions nos officiers.

TOUS. — Appuyé ! appuyé !

LE GÉNÉRAL OLIVIER. — C’est dit, j’accepte ; mais pour la commander, il faut qu’elle existe. Quand la ferons-nous ?

JEAN LEBRENN. — Voici, mon ami, la situation des choses : mon fils et moi nous jouissons dans cette rue d’un certain renom de patriotisme ; les hommes d’action du quartier, en majorité composés d’ouvriers, ont toute confiance en nous. Quelques-uns d’entre eux sont venus plusieurs fois dans la journée nous demander conseil. Ils sont résolus d’engager le combat s’il le faut, et attendent que nous leur donnions le signal. Notre responsabilité est grande ; il nous faut, si nous les poussons à la lutte, en y prenant part à leur tête, être convaincus, en notre âme et conscience, de l’opportunité de la résistance. J’ai donc assuré ces braves patriotes que ce soir, après avoir parcouru les différents quartiers de Paris et m’être de mon mieux renseigné sur l’état des choses par moi-même et par mes amis, je répondrais si, selon nous, on devait prendre ou non les armes. Ils doivent venir vers onze heures ou minuit savoir le mot d’ordre. Voici onze heures et demie, leurs délégués ne tarderont pas à arriver. Maintenant, mes amis, l’heure est suprême, avisons ; ne l’oublions pas : parmi les citoyens énergiques qui n’attendent qu’un mot de nous pour courir au feu, beaucoup ont des femmes, des enfants dont ils sont les uniques soutiens, et, tués ou vaincus, leurs familles seront plongées dans la détresse. C’est donc à nous de décider si la lutte est impérieusement commandée par le devoir civique ; si elle offre assez de chances de succès pour que nous donnions le signal du combat, nous qui, plus heureux que nos frères prolétaires, sommes du moins certains, si nous succombons, de ne pas laisser nos familles sans ressources. Voici donc, mes amis, ce que je propose : nous avons parcouru les divers quartiers de Paris ; nous avons assisté ou nous sommes suffisamment initiés aux délibérations des différents partis de l’opposition libérale ou républicaine ; enfin, Olivier me paraît exactement informé de la force des troupes sur lesquelles Charles X compte pour imposer ses ordonnances. De toutes ces notions, il résulte que nous connaissons aussi bien que possible la situation des esprits, des hommes et des choses ; nous pouvons donc, en conscience, appeler aux armes les patriotes, ou les engager, au contraire, à se borner à une résistance légale ; je vous propose de mettre aux voix, entre nous, notre résolution.