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me donne toute confiance en son jugement… ce sont les intrigants, les roués politiques, et surtout la couardise de la majorité des 221 députés, à cette heure épouvantés de leur situation, et craignant de passer pour des rebelles à la royauté.

CASTILLON. — Oui ; mais, minute, madame Lebrenn, si la majorité des 221 sont des trembleurs, des monarchiens, comme nous disions des constitutionnels de 1791, et qu’ils veuillent reculer, il faudra bien qu’ils aillent de l’avant, ou sinon les anciens comme l’ami Jean, M. Martin, M. Duresnel, et tant d’autres vieux républicains, leur passeront sur le ventre, à ces monarchiens, et ça ira !

MARIK. — Cette vieille phalange, ce bataillon sacré aura pour renfort la jeune garde, GODEFROY CAVAIGNAC, GUINARD, HINGRAY, DEGOUSÉE, PIERRE LEROUX, CHARLES TESTE, HIGONNET, BASTIDE, THOMAS, JOUBERT, ÉTIENNE ARAGO, MARCHAIS, et leurs amis, qui, demain, le fusil à la main, la proclameront, la république !

CASTILLON, exalté. — Oui, et nous la reverrons, la grande victorieuse, avec son épée, ses balances de justice, son bonnet rouge et sa belle devise : Liberté, égalité, fraternité ! Nom d’une pipe ! si je dois mourir demain d’une balle royaliste, je ne demande qu’une chose, c’est d’entendre, avant de tourner de l’œil, proclamer la république à l’hôtel de ville !

MARIK. — Aie bon espoir, vieux Castillon, tes vœux seront comblés, sauf la balle royaliste, bien entendu.

Jean Lebrenn entre en ce moment ; tous se lèvent et l’entourent ; il tend la main à sa femme et baise au front Hénory, sa belle-fille.

JEAN LEBREN. — Les délégués des ouvriers patriotes du quartier ne sont pas encore venus ?

MARIK. — Non, mon père.

MADAME LEBRENN. — Quelles nouvelles, mon ami ?

JEAN LEBRENN. — Bonnes et mauvaises.

MARIK. — Commençons par les mauvaises, mon père.


JEAN LEBRENN. — Les 221 manquent complètement d’énergie ; j’en excepte une minorité de citoyens résolus : Mauguin, Labbey de Pompières, Dupont de l’Eure, Audry de Puyraveau, Dauniou et quelques autres ; mais la majorité est pitoyable. Casimir Perrier assure qu’il faut donner le temps à la royauté de se repentir et de rentrer dans la légalité.


CASTILLON, bourrant une cartouche. — Je vous en flanquerai de la légalité, tas de Polignac !

MADAME LEBRENN. — Même peur, même défiance de la bourgeoisie