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fréquence de son feu, la cavalerie autrichienne, première ligne de l’armée de Wurmser ; et, profitant de ce désordre, enlevant ses escadrons, chargeant intrépidement à leur tête, ainsi que Lebas, représentant du peuple, Férino a culbuté l’ennemi et l’a ramené le sabre aux reins jusqu’aux carrés d’infanterie de la seconde ligne placée à mi-côte du plateau de Geisberg, et derrière laquelle la cavalerie autrichienne, après sa déroute, est allée se reformer. Hoche alors a lancé sa colonne d’attaque sur le centre de Wurmser, tandis que l’aile gauche de ce général était exposée au feu de plusieurs batteries d’artillerie volante. L’une de ces batteries, composée de six pièces de quatre, venait prendre position sur un mamelon où se trouvait une ferme isolée. L’on pouvait de ce mamelon battre à revers le flanc gauche des Autrichiens. Un escadron du troisième hussards et deux compagnies du onzième bataillon de volontaires parisiens avaient été détachés pour être de garde auprès de cette artillerie et au besoin la défendre. Telle est la disposition des lieux que vient de reconnaître le capitaine commandant de la batterie, suivi d’un trompette. Le bâtiment de la métairie occupe à peu près le centre d’un tertre de trois cents pas environ de surface. Il forme, du côté de l’ennemi, un talus d’une pente rapide et d’une élévation d’une trentaine de pieds, tandis qu’il est presque de niveau du côté de la plaine où se tient la réserve de l’armée républicaine. Un bouquet de bois et un verger clos de haies vives s’étendent à droite, et un peu en arrière du mamelon où va s’établir la batterie française. Les habitants de la métairie ont pris la fuite depuis le commencement de la bataille, emmenant leurs bestiaux et emportant leurs objets les plus précieux. Les bouches à feu arrivent successivement, afin de se placer en batterie. La première de ces pièces est Carmagnole, si tendrement affectionnée par le maréchal des logis chef Duchemin ; elle offre, par la singularité presque grotesque de son attelage, un curieux spécimen de l’étrange aspect que présentent en ce temps-ci les charrois de l’artillerie, fournis, bêtes et gens, par les entrepreneurs de ce service. Six chevaux de taille et de robe différentes étaient attelés avec des cordes à l’affût de Carmagnole et conduits par deux charretiers : le premier, coiffé d’un bonnet de coton et vêtu d’une blouse bleue, chaussé de sabots, enfourchait un petit cheval hongrois pris à la guerre, noir comme l’ébène, et avait pour acolyte une énorme bête de labour d’une blancheur immaculée ; puis venaient, non montés, un vieux cheval de carrosse gris pommelé, accosté d’une jument baie ; enfin, la troisième paire de l’attelage la plus rapprochée du train du