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Napoléon prend l’aide de camp par le bras, lui parle à voix basse et s’éloigne avec lui. Bientôt tous deux ont disparu au détour d’une allée. La nuit est presque complètement venue. Les cris de la foule se font de nouveau entendre au dehors : — Des armes ! — Aux frontières ! — L’empereur ! l’empereur !

JEAN LEBRENN. — Ton empereur, ô peuple ! s’évade nuitamment. Que fuit-il ainsi ? Il fuit, hélas ! les devoirs sacrés que ta voix le supplie d’accomplir, ô peuple !… et il pouvait entourer son nom d’une gloire nouvelle, mais pure et éternellement radieuse celle-là. Il eût terminé ses jours en France, environné du respect et de l’admiration de tous, et il ne le veut pas ! La fatalité vengeresse l’égare, le pousse au-devant d’un châtiment terrible… la captivité… peut-être la mort. Et ainsi sera vengé le coup d’État de brumaire, et ainsi seront vengés les attentats de Bonaparte contre la liberté des peuples.

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1830

Quinze ans se sont écoulés depuis la seconde restauration, accomplie après les Cent-Jours. L’on ne sait que trop par quelle succession d’actes à la fois stupides et odieux le gouvernement a fait peu à peu s’élever, puis déborder le flot de l’indignation publique où s’abîma leur trône. — À quoi bon rappeler ces actes, écrits dans la mémoire de tous ? Ces insultes quotidiennes à notre immortelle révolution ; l’inepte audace du parti ultra-royaliste, ses provocations, ses iniquités, ses barbaries, la terreur blanche de 1815, exécrable parodie de la grande terreur de 1793, qui sauva la patrie et la révolution ; — les cours prévôtales, où s’assouvissaient les rancunes, les haines de l’émigration ; — l’assassinat organisé, béni, glorifié dans le Midi ; — les Trestaillon et autres pieux défenseurs de l’autel et du trône, égorgeant impunément leurs concitoyens ; — cette Chambre des députés introuvable, où une majorité de royalistes forcenés couvrait de leurs cris, de leurs injures, de leurs menaces la voix patriotique des Foy, des Dupont (de l’Eure), des Lamarque, des Laffitte, des Lafayette, et faisait empoigner MANUEL par des gendarmes ; — le milliard d’indemnité accordé aux émigrés, insolent et nouveau soufflet donné à la révolution ; — puis, enhardis par le succès, les ultramontains et les ultra-royalistes proposant la loi du sacrilège et celle du droit d’aînesse ; — les débordements du clergé encouragés ;