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de Waterloo que lorsque le congrès des souverains coalisés a reçu la nouvelle du débarquement de l’empereur au golfe Juan, ils avaient déjà songé à lui assigner une autre résidence que l’île d’Elbe, trop voisine de la France. L’ambassadeur anglais proposa l’île de Sainte-Hélène comme lieu de captivité. L’un des membres du congrès, le ministre d’Autriche, je crois, s’étant récrié sur l’insalubrité de cette île, objectant qu’une détention à Sainte-Hélène équivaudrait pour Napoléon à une mort lente et sûre, le projet fut ajourné ; mais il n’est pas douteux maintenant qu’afin de mettre désormais la France et l’Europe à l’abri d’un coup de main de l’empereur, les alliés l’enverront au bout du monde, à Sainte-Hélène ou ailleurs. Ils le traiteront avec la dernière rigueur. Ainsi, au point de vue même de son intérêt personnel, au lieu de se résigner à une défaite si éloignée d’être irréparable, il devait se mettre à la tête de la France révolutionnaire.

DURESNEL. — Ainsi donc, plus d’espoir, il nous faudra supporter l’ignominie d’une seconde restauration. Soit, nous recommencerons de conspirer contre les Bourbons, et tôt ou tard, nous les chasserons une dernière fois. Question de temps, après tout, car l’avenir est à la république.

CASTILLON. — En ce cas, l’ami Jean, rien à dire aux vieux patriotes du faubourg Antoine ? Ils étaient si bien disposés ! Nom d’un nom ! Mais que faire ? sans armes, sans direction, sans chefs, le peuple ne peut rien, et depuis si longtemps il est déshabitué de s’occuper de la chose publique ! Ce souci-là lui est épargné depuis thermidor !

DUCHEMIN. — Le faubourg Marceau, où j’ai des amis, des anciens sans-culottes, ne demande aussi qu’à aller de l’avant, et en désespoir de cause, ils doivent aujourd’hui se porter en masse à l’Élysée, dans l’espoir que Napoléon ne résistera pas à l’élan populaire.

JEAN LEBRENN. — Erreur ! profonde erreur ! mon vieux Duchemin. (Tirant sa montre.) Mais en parlant de l’Élysée, vous me rappelez que je suis de faction à six heures. Il me faut retourner à mon poste. (Au général Olivier.) Ainsi, mon ami, vous quittez la France ?

LE GÉNÉRAL OLIVIER. — Demain. Je veux gagner l’Angleterre avant le retour des Bourbons, sinon je risque ma tête.

JEAN LEBRENN. — Venez ce soir souper avec nous en famille, et nos anciens camarades que voici. Nous ferons nos adieux au soldat proscrit, et avant de nous séparer de lui, nous boirons un dernier verre de vin à la renaissance de la république ; car ce sera le signal de votre retour en France, mon cher Olivier.