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et à crier aux armes, pour que le peuple entier soit debout ; mais il ne veut pas d’une nouvelle révolution ; il ne veut pas sortir de la légalité. Il n’a plus aucune action ; la Chambre des députés s’est saisie du pouvoir exécutif, elle traite avec les alliés ; le rôle de l’empereur est fini… il ne peut rien pour la France. » Telle a été là réponse de Carnot.

JEAN LEBRENN. — Quoi ! ces scrupules !… Napoléon invoque son respect pour la Chambre des députés, lorsque, en brumaire, il a fait chasser à coups de crosse, par ses grenadiers, les représentants du peuple ! Napoléon se retrancher derrière la légalité, lorsque pendant dix années il a imposé pour unique loi sa volonté à la France !

MARTIN. — Cette objection a été faite à Carnot ; il a ajouté que sans aller jusqu’à conseiller à l’empereur de pousser à la proclamation de la république, Lucien Bonaparte suppliait son frère de dissoudre la Chambre des députés et de prendre la dictature.

JEAN LEBRENN. — Conseil aussi coupable qu’insensé. La France ne veut de dictature d’aucune espèce ; il n’y avait, il n’y aurait encore qu’une solution possible, celle que nos amis proposent : former un comité de salut public, composé de Lakanal, David et autres anciens conventionnels, dont Carnot serait le président ; proclamer la république ; dissoudre la Chambre des députés, qui ne tient pas ses devoirs du peuple et est en majorité royaliste ou complice de l’étranger ; convoquer la nation dans ses comices, y élire une assemblée constituante, appeler le pays entier à la frontière, au nom de la patrie en danger, et proposer à Napoléon le commandement en chef des armées de la république, mais en prenant des garanties certaines contre tout retour de sa part au despotisme militaire. Enfin, en cas de refus de Napoléon, s’adresser au patriotisme de quelques jeunes généraux. Nos armées, soutenues par la foi républicaine, ont triomphé en 93 et 94 sans avoir Bonaparte à leur tête.

LE GÉNÉRAL OLIVIER. — Ce plan était à la fois patriotique et praticable ; comment Carnot ne l’a-t-il pas accepté ? 


MARTIN. — L’âge ou le trouble que lui cause la précipitation des événements ont préjudicié à la lucidité habituelle de son esprit. Peut-être aussi Carnot subit-il, malgré lui, l’influence de ce misérable Fouché, qui, depuis le désastre de Waterloo, correspond avec cet autre prêtre défroqué, Talleyrand, car tous deux sont vendus aux Bourbons.

JEAN LEBRENN. — Ainsi, Carnot a répondu par un refus ?

MARTIN. — Il ne voulait pas, a-t-il dit, assumer sur lui la responsabilité