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MARTIN. — Ce plan était excellent ; je connais cette frontière ; j’y ai fait la guerre en 1794, dans l’armée de Sambre et Meuse.

LE GÉNÉRAL OLIVIER. — Enfin, supposez un ou deux autres camps retranchés, formés depuis Metz jusqu’à Strasbourg. Toutes les issues gardées par des bataillons de volontaires, le peuple entier en armes, et derrière ces masses enflammées de patriotisme, le général Bonaparte, premier soldat de la république, à la tête des deux cent mille hommes de troupes réunies plus tard : est-ce que la France n’était pas invincible ?… Mais non, ce plan de campagne était encore la révolution, et l’empereur a préféré jouer le sort de la France et de son empire sur un seul coup de dé à Waterloo, ou, sans parler de la trahison de Bourmont, de la lenteur déplorable de Grouchy, tant d’énormes fautes ont été commises, non-seulement par l’empereur, mais par presque tous ceux qui commandaient sous ses ordres, car chacun semblait frappé de vertige durant cette fatale campagne ; et cependant, oui, à cette heure encore, ainsi que vos amis le disaient à Carnot, rien ne serait encore désespéré si l’on marchait rapidement sur Blücher : il est isolé de Wellington, il serait écrasé ; l’armée anglaise aurait ensuite le même sort, et la nation en armes serait aux frontières avant que les Russes et les Autrichiens aient eu le temps d’arriver sur le Rhin.

JEAN LEBRENN, à Martin. — Tout ce que dit Olivier est marqué au coin du bon sens. L’autorité de sa longue expérience militaire vient à l’appui des projets de nos amis, et Carnot, dites-vous, lui, si rompu aux choses de la guerre, et surtout de la guerre révolutionnaire, a repoussé ces plans ?

MARTIN. — Nos amis ont ajouté : « L’empereur sera forcé d’abdiquer, ses espérances dynastiques sont détruites ; les alliés ne se borneront pas à le renvoyer à l’île d’Elbe ; il a tout à redouter de leur part. Eh bien ! si désespérée que semble sa position, jamais, s’il le veut, elle n’aura été plus belle ! il peut être le sauveur de la France et l’admiration de la postérité ! Qu’il redevienne le général Bonaparte, qu’il se mette à la tête des troupes et du peuple en armes, aux cris de Vive la république ! de Vive la nation ! et la France se relève à jamais victorieuse ! »

LE GÉNÉRAL OLIVIER. — Ah ! le cœur bondit d’enthousiasme à un si noble langage.

JEAN LEBRENN. — Et à ce langage, Carnot s’est montré insensible ?

MARTIN. — « L’empereur est résolu d’abdiquer, — a répondu Carnot, — il sait bien qu’il n’aurait qu’à coiffer le bonnet rouge