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hommes de cavalerie, cinq cents bouches à feu attelées, sont à cette heure sous les murs de Paris et brûlent de combattre. Ces forces sont plus que suffisantes pour écraser les Prussiens.

JEAN LEBRENN, à Olivier. — N’est-ce pas votre avis ?

LE GÉNÉRAL OLIVIER. — C’est évident ! la position est encore excellente. Paris, considéré comme un immense camp retranché, nous donne la disposition des cinq ponts sur la Seine ; l’on peut, par une marche de nuit, porter nos forces sur l’une ou sur l’autre rive du fleuve, et anéantir l’armée prussienne, tandis que la garde nationale et les fédérés, armés en masse, défendraient les fortifications qui couvrent la rive droite et protègent Paris. Oh ! si l’empereur avait voulu, s’il voulait encore ! Mais non ! son génie semble l’avoir abandonné dans cette dernière guerre. Mais, pardon…

JEAN LEBRENN. — Continuez, au contraire.

MARTIN. — Nous vous en prions.

LE GÉNÉRAL OLIVIER. — Eh bien, tout le monde le dit dans l’armée : l’empereur a commis erreur sur erreur. Ne devait-il pas, dès les premiers jours d’avril, marcher sur la Belgique, et il rejetait sans coup férir les Prussiens au delà du Rhin ; il avait encore, il est vrai, que trente-cinq mille hommes ralliés à lui ; plusieurs divisions tenaient encore pour les Bourbons ; il n’importe : avec ce fonds de vieilles troupes, l’empereur, appelant aux armes la nation entière, était assuré de la victoire ; mais il n’a pas voulu de cet appel aux armes, parce que c’était la révolution.

MARTIN. — C’est ainsi que de mars à juin, il a perdu près de trois mois et donné aux alliés le temps de concentrer leurs forces !

LE GÉNÉRAL OLIVIER. — Eût-il voulu même, ne se croyant pas suffisamment renforcé, traîner la guerre en longueur, pourquoi, faute énorme, pourquoi n’a-t-il pas profité de l’appui des places de nos frontières en établissant, je suppose, deux ou trois grands camps retranchés, à la fois offensifs et défensifs ? L’un, placé en avant de Montmédy, aurait suffi à contenir les forces ennemies qui occupaient encore le Luxembourg ; un autre camp, placé à Bavay, coupait les communications des alliés. La vaste forêt de Mormale assurait notre retraite jusque derrière la Sambre ; cette rivière et l’Escaut approvisionnaient notre camp. Est-ce que l’ennemi aurait osé attaquer une position si formidable ! lui placé entre la place de Maubeuge et celle de Valenciennes, ou laisser ce camp derrière lui pour marcher sur Lille ? Impossible, car l’on se portait sur Ath, et l’on écrasait l’arrière garde ennemie.