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lieux où allait se livrer la bataille. En face, à l’extrême horizon, se développait, du nord-ouest vers le sud-est, la silhouette régulière des retranchements ou lignes de Wissembourg, parallèles au cours de la Lauter, rivière rapide qui servait de fossé à ces ouvrages fortifiés. À droite, les cimes dépouillées de la forêt de Bienvalt, que bordait aussi la Lauter, à demi voilées par les dernières brumes, se perdaient au loin dans la direction de Lauterbourg, quartier général de l’armée de Condé, ville située proche de l’une des sinuosités du Rhin. Enfin, à gauche (toujours en avant des lignes de Wissembourg) et à l’extrême horizon, on apercevait les ondulations de la crête des collines dont le versant formait la vallée de la Lauter, par où Gouvion Saint-Cyr devait déboucher, afin de tenir en échec le corps de Brunswick, fortement retranché à Nothweiller. Au second plan de ce vaste panorama, et très en avant des retranchements et de la ville de Wissembourg, dont l’on apercevait les clochers, s’élevait le château de Geisberg, ancien édifice féodal formant une masse de bâtiments irréguliers, dominant un vaste plateau dont les pentes s’abaissaient graduellement vers la plaine, théâtre du prochain combat. Des prairies marécageuses confinaient les rives de la Lauter, qui limitait le champ de bataille. Un corps de cavalerie autrichienne très-considérable, flanqué d’artillerie légère, se développait au pied des dernières pentes du plateau de Geisberg, et formait la première ligne de Wurmser. La seconde ligne, composée d’infanterie, de cavalerie et d’artillerie, venait d’opérer un mouvement rétrograde, afin de prendre position à mi-côte du plateau. Ses hauteurs, que couronnait le château de Geisberg, étaient occupées par la troisième ligne ou réserve, du général ennemi et garnies d’une nombreuse artillerie.

Hoche, à l’aide de sa lunette, ayant observé les positions de l’armée autrichienne, dit à Saint-Just : — Wurmser, ainsi que je le prévoyais, surpris par notre marche qui lui enlève l’offensive, vient évidemment de modifier son plan de bataille en faisant rétrograder son infanterie à mi-côte du plateau de Geisberg. Il faut se hâter de profiter de l’hésitation que ce mouvement de recul défensif a dû causer dans l’armée autrichienne. — Puis, s’adressant à l’un de ses officiers d’ordonnance, Hoche ajouta : — Citoyen, va ordonner au général Férino de porter en avant la cavalerie et l’artillerie volante de sa division. Ses canonniers ouvriront le feu contre les escadrons ennemis, et lorsqu’ils seront ébranlés, le général lancera sa charge.

L’officier d’ordonnance s’éloigne au galop, afin de transmettre l’ordre de Hoche au général Férino, commandant l’avant-garde de