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de Dieu et de notre épée, comme descendants ou représentants des premiers conquérants de la terre des Gaules, réduites par nous à la servitude.

M. HUBERT. — Ah ! l’éternelle lutte des Francs et des Gaulois… Pourquoi mon neveu Lebrenn n’est-il pas là pour vous répondre !…

LE COMTE DE PLOUERNEL, tressaillant à ce nom qui lui rappelle Victoria. — Que dites-vous, monsieur ? quoi ! ce Lebrenn…

M. HUBERT. — A épousé ma nièce, la fille de l’avocat Desmarais, à qui vous avez fait jadis donner des coups de bâton par vos laquais, et qui, à cette heure, est comte et pair de France, tel que vous le voyez… ou plutôt tel que vous le verriez, s’il ne se dissimulait dans l’embrasure de cette croisée, car votre présence embarrasse étrangement le bonhomme.

Le comte de Plouernel reste silencieux sous l’impression des noirs souvenirs éveillés en lui par le nom de Lebrenn, ce fils de Joël, de cette race qui, tant de fois, à travers les âges, s’est rencontrée face à face et en armes avec lui, fils des Neroweg. Le cardinal se rapproche des interlocuteurs, en tenant par la main son neveu, le vicomte Gontran. L’Éminence, mieux servie par sa mémoire que M. de Plouernel, a tout d’abord reconnu M. Hubert, et s’adressant à lui :

— Il y a bien des années que nous nous sommes vus, monsieur, car, si vous vous en souvenez, j’accompagnais mon frère au conciliabule de la rue Saint-Roch.

M. HUBERT. — En effet, et Votre Éminence a dû rappeler au respect qu’il lui devait le révérend père Morlet, lequel s’arrogeait ma présidence de notre réunion.

LE CARDINAL. — Que voulez-vous, monsieur, partout où se trouve un jésuite, il veut primer ; cette compagnie est la peste de la haute Église.

M. HUBERT. — Le révérend était accompagné de son fillot, qui semblait promettre beaucoup ; il avait alors à peu près l’âge de ce joli page (montrant le vicomte Gontran) ; mais il était loin de lui ressembler, car je n’ai jamais vu de figure plus sournoise, plus cafarde, plus repoussante que celle de ce hideux enfant.

LE CARDINAL. — Le révérend père Morlet est mort, et son fillot, reçu à Rome dans les ordres, sous le nom de l’abbé Rodin, fait, comme feu son parrain, partie de la compagnie de Jésus ; et, il faut le dire, grâce à sa haute capacité, le révérend père Rodin, secrétaire intime du général actuel de l’ordre, jouit sur son supérieur d’une si excessive influence que l’on assure que… (S’interrompant.) Ah ! ma