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LE COMTE DESMARAIS. — Bû… û… Bonaparte… revenir en France ! Il faut vraiment, duc d’Otrante, que vous nous preniez pour des gobe-mouches auxquels vous faisiez si bonnement avaler en brumaire la bourde des cinquante mille terroristes cachés dans les Catacombes.

FOUCHÉ, riant. — Quel bon tour, hein ? Ont-ils donné dans le panneau ces benêts de Parisiens ! Eh bien, citoyen Brutus, tes drôlesses t’ont rendu complètement hébété, si tu doutes de la possibilité du retour de Bonaparte.

M. HUBERT. — Allons, Fouché, vous vous moquez de nous avec vos conspirations.

FOUCHÉ. — Toi, d’abord, je te l’ai dit, tu conspires pour d’Orléans, et d’une. Plusieurs officiers généraux en activité de service ou non conspirent en faveur de Bonaparte, et plusieurs colonels commandant des régiments sont affiliés à ce complot, et de deux. Enfin, d’anciens jacobins, et notamment ton gendre, citoyen Brutus, ainsi que le peintre Martin, membre des Cinq-Cents en brumaire, et tant d’autres, conspirent pour la république, et de trois.

M. HUBERT. — Allons donc ! vous nous en donnez à garder, avec vos complots !

FOUCHÉ. — Vous allez voir que moi, qui suis de ces divers complots, parce que c’est bien le diable si l’un des trois ne réussit pas, vous allez voir que je les invente !

LE COMTE DESMARAIS. — Vous en avez, morbleu ! inventé bien d’autres !

FOUCHÉ, riant. — C’est vrai, mais je ne suis jamais des complots que j’invente, voilà la différence, mon cher ; tandis que je me fourre toujours dans ceux que je n’invente point. J’ai un pied partout : chez les républicains, comme ex-terroriste ; chez les bonapartistes, comme ex-ministre de l’empereur ; chez les orléanistes, comme ancien ami de Philippe-Égalité, régicide comme moi ; enfin, la meilleure preuve que je puisse vous donner de l’existence de ces complots, c’est que je viens les dénoncer. (Desmarais et Hubert regardent Fouché avec stupeur.) Oui, je viens dénoncer ces complots à cette buse de Blacas.

LE COMTE DESMARAIS, à Hubert. — Il est capable de faire ce qu’il dit !

FOUCHÉ. — Parbleu ! de deux choses l’une : ou bien, malgré ma dénonciation, l’un de ces complots réussira, et, en ce cas je suis paré, puisque je suis de ce complot ; ou bien aucun d’eux ne réussira, or, en ce cas, je suis encore paré, puisque je les aurai dénoncés !

M. HUBERT. — Quoi ! en admettant que ce soit vrai, vous auriez