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que tu viens solliciter ici ? Un ordre de début à l’Opéra pour quelque coquine ? (Desmarais hausse les épaules.)

M. HUBERT. — Ce diable, de Fouché sait tout ; on le croirait toujours ministre de la police.

FOUCHÉ. — La caque sent toujours le hareng, mon cher. J’ai vu, ce matin, deux de mes anciens agents qui continuent de me faire leurs petites confidences. Je dois flairer le mouchard, hein ? 


M. HUBERT. — Pouah !

FOUCHÉ. — Ah ! tu fais le dégoûté. Eh bien, veux-tu que je te dise une chose, moi ?

M. HUBERT. — Quoi ?

FOUCHÉ. — Tu fais partie d’une conspiration orléaniste.


M. HUBERT, riant d’un rire forcé. — Tes mouchards te volent ton argent, mon pauvre duc !

FOUCHÉ. — Ta, ta, ta, tu conspires contre les Bourbons, pourquoi t’en défendre ! Tiens, parbleu ! moi aussi je conspire, le citoyen Brutus Desmarais conspire aussi, comme en notre bon temps de thermidor et de brumaire. Est-ce que tout le monde ne conspire pas à ciel ouvert, aujourd’hui ? Ils sont si bêtes ces Bourbons, et leur préfet de police d’André est si crétin !

LE COMTE DESMARAIS. — Il est inouï de tenir un pareil langage dans le palais habité par nos légitimes et bien-aimés souverains, et de prétendre, par surcroît, que je conspire contre eux !

FOUCHÉ. — Toi et tes pareils de la chambre des pairs, citoyen comte Brutus Desmarais, vous, êtes les plus acharnés des conspirateurs, les ennemis les plus endiablés des Bourbons, en cela que vous votez avec fureur les lois les plus imbéciles, les plus désastreuses qu’un sénat servile puisse voter. Quoi d’étonnant ! vous étiez tous dressés à la manœuvre par le Napoléon ; il n’en est pas moins vrai que, en grande partie, grâce à vous ces imbéciles de Bourbons n’en ont pas pour six mois dans le ventre ; aussi, je te conseille, citoyen comte, d’aller te faire inscrire chez le duc d’Orléans ou de partir dare-dare pour l’île d’Elbe, afin d’y voir l’autre ; et à propos de cet autre, a-t-on jamais vu des vainqueurs plus généreusement stupides que ces alliés ! Laisser à la proximité de la France… ce Corse qui s’est fait à lui-même la farce de s’introniser empereur des Français, et qui nous a fait celle de me créer duc d’Otrante, et toi comte, citoyen Brutus, sans parler de la meilleure de toutes les farces de ce grand comédien, et de laquelle nous serons peut-être témoins un beau matin, celle de son retour en France !