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M. HUBERT. — Je vous admire, beau-frère ! toujours le même aplomb ; l’âge ne vous a pas changé. (Riant.) Et à propos d’âge, que devient cette petite danseuse ? Elle vous ruine et se moque de vous, sans parler de cette servante maîtresse qui vous mène par le nez et vous mettra quelque jour à la porte de votre propre demeure. Ah ! que l’on a raison de dire que les sottises des vieillards sont les pires de toutes.

LE COMTE DESMARAIS, avec amertume. — Et à qui la faute si, à soixante ans passés, je me suis jeté dans le désordre ? C’est la faute à ma carogne de femme, votre sœur, et à mon indigne fille. Elles m’ont abandonné indignement, et je m’ennuyais tellement de mon isolement que j’ai cherché des distractions. Oui, ma maudite femme est…

M. HUBERT, sévèrement. — Pas un mot de plus à ce sujet, beau-frère, ma sœur était un ange, et votre odieuse conduite envers elle ne justifiait que trop l’aversion que vous lui inspiriez. Et quant à votre fille…

LE COMTE DESMARAIS. — Ah ! du moins, cette ingrate, cette dénaturée n’aura pas un sou de mon héritage ! non plus que ce misérable Lebrenn, l’auteur de tous mes chagrins.

M. HUBERT. — Que voilà une belle vengeance ! Vous faire gruger par des drôlesses, afin de ne rien laisser de vos biens à votre fille et à votre gendre.

LE COMTE DESMARAIS. — C’est une vengeance comme une autre et j’ai été ravi, de votre mariage et de la naissance de votre fils ; ainsi, mon indigne fille, ni ce gueux de Lebrenn n’hériteront point non plus de vous.

M. HUBERT. — Vous me feriez horreur, si vous ne me faisiez pitié, car en vieillissant, vous devenez hébété ; de plus, vous êtes le plus malheureux des hommes.

LE COMTE DESMARAIS. — Moi ! malheureux ? pas du tout !

M. HUBERT. — Vous me faites pitié ! vous dis-je et il en a toujours été ainsi. Votre vie n’a été qu’une longue torture durant les orages de la révolution ; puis sont venus les temps plus calmes de l’empire, alors l’ennui, votre isolement mérité, vous ont jeté dans ces honteux désordres qui rendent les vieillards si malheureux et si ridicules. Mais taisons-nous, voici quelqu’un.

Entre Fouché, duc d’Otrante, introduit par un huissier auquel il dit tout bas : — Vous préviendrez Son Excellence que c’est moi, le duc d’Otrante. — L’huissier s’incline et sort.

FOUCHÉ. — Tiens, c’est toi, citoyen Brutus Desmarais ? Qu’est-ce