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que sous l’empire. Les processions recommencèrent de circuler impunément au dehors des églises, et l’on vit le maréchal Soult se prélassant, un cierge à la main, et de l’autre tenant l’un des cordons du dais du saint sacrement ! Ce soldat se montrait d’ailleurs fort logique, ayant toujours témoigné d’un goût passionné pour les choses saintes, à en juger du moins par les admirables tableaux de piété, chefs-d’œuvre de l’école espagnole, et par les ornements d’église, or et émail étincelant de pierreries dont le dévot maréchal chargeait ses fourgons durant la guerre de la Péninsule. Un service solennel fut publiquement célébré, par ordre de la cour, en honneur de Pichegru, deux foi traître à la république et à la France ; un monument fut élevé à la mémoire de Georges Cadoudal, incarnation de la chouannerie ; un autre monument honorait les restes des Vendéens morts à Quiberon, fanatiques rebelles qui, de complicité avec les Anglais, qu’ils appelaient à leur aide, déchaînèrent de nouveau sur le pays les horreurs de la guerre civile. Enfin, lors d’une cérémonie funèbre, insulte flagrante à l’équité du châtiment solennel infligé par la Convention à Luis Capet, tant de fois traître et parjure, ses restes furent transportés en grande pompe à Saint-Denis ; la presse royaliste, notamment la Quotidienne et le Journal royal, déversaient la haine, le mépris et l’injure, non seulement sur les actes les plus glorieux, les plus légitimes de la révolution, mais sur toutes les tendances du libéralisme le plus modéré. On lisait dans ces journaux : — Que toute constitution octroyée était un régicide, — que la France, après une rébellion de vingt-cinq ans contre ses maîtres légitimes, devait être châtiée par un pouvoir absolu ; — que la Convention avait été une horrible saturnale, UNE CAVERNE DE BANDITS. Enfin, les royalistes attaquaient au vif les intérêts de la bourgeoisie et de la petite propriété, en demandant la restitution des biens des émigrés, sous le triple rapport DU DROIT CIVIL, DU DROIT PUBLIC et DES INTÉRÊTS POLITIQUES. L’armée, habituée à la suprématie dont elle jouissait sous Napoléon, n’était plus, comme au temps de son règne, le premier corps de l’État ; la restauration donnait le commandement de régiments à d’anciens officiers de l’armée de Condé, à l’exclusion des officiers de l’empire, envoyés en demi-solde ; les soldats, humiliés, irrités d’être commandés par des voltigeurs de Louis XIV (ainsi qu’ils qualifiaient ces nouveaux venus), témoignaient de leur mécontentement, aussi les Bourbons, d’abord accueillis avec espoir, redevinrent profondément répulsifs à la nation, et, sauf la majorité des officiers, personne ne regrettait sans doute Napoléon, le souvenir