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» Par l’abus qu’il a fait de tous les moyens qu’on lui a confiés en hommes et en argent ;

» Par l’abandon des blessés sans pansement, sans secours, sans subsistance ;

» Par différentes mesures dont les suites étaient la ruine des villes, la dépopulation des campagnes, la famine et les maladies contagieuses ;

» Considérant que par toutes ces causes, le gouvernement impérial, établi par le sénatus-consulte du 28 floréal an XII, a cessé d’exister, et que le vœu manifeste de tous les Français appelle un ordre de choses dont le premier résultat soit le rétablissement de la paix générale, et qui soit aussi l’époque d’une reconstitution solennelle entre tous les États de la grande famille européenne ;

» Le Sénat déclare et décrète ce qui suit :

» Art. 1er. Napoléon Bonaparte est déchu du trône, et le droit d’hérédité établi dans sa famille est aboli ;

» Le peuple français et l’armée sont déliés du serment de fidélité envers Napoléon Bonaparte. »

Ah ! le cœur se soulève d’indignation, de mépris, de dégoût en songeant à l’impudeur effrontée de ces misérables. Non seulement pas un d’entre eux n’avait osé protester même par son silence contre ces actes qu’ils condamnaient actuellement, mais ces actes n’avaient pas eu de défenseurs, de prôneurs plus forcenés que ce sénat ! acclamant dans toutes les solennités publiques l’incomparable, l’immortel génie de Napoléon le Grand. Eux seuls en France n’avaient pas le droit de formuler le décret, puisqu’ils étaient complices de tous les crimes de lèse-nation dont il accusait Bonaparte.

Le châtiment, vous le voyez, fils de Joël, ne s’est pas fait attendre ; qu’est ce que dix ans de règne, comparés à la marche éternelle des siècles ?… Mais une dernière épreuve était réservée à la France et à Napoléon : il pouvait, un an plus tard (en 1815), expier, racheter le passé ; son orgueil dynastique, sa haine parricide de la révolution, dont il était fils, devaient rendre impossible cette expiation suprême ; et un châtiment terrible devait plus tard s’appesantir sur lui, car en 1814, Bonaparte, quoique déchu du trône, fut reconnu souverain de l’île d’Elbe ; les rois coalisés lui assignèrent ce lieu pour résidence, et il s’y rendit, accompagné de quelques officiers et soldats généreusement fidèles à son infortune.

La France éprouvait un tel besoin de paix, de repos et d’indépendance, après ces dix années de guerre et de dure servitude, que,