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France l’île d’Elbe et le Piémont ; le 9 octobre, il occupe les États de Parme ; le 21 du même mois, il fait entrer en Suisse, au mépris de sa neutralité traditionnelle, une armée de trente mille hommes. L’Angleterre saisit habilement le prétexte des agrandissements territoriaux de la France pour liguer de nouveau l’Europe contre elle ; ainsi, tandis que la république affranchissait les peuples, assurait leur indépendance, en les initiant par son exemple, par sa propagande révolutionnaire, à la forme républicaine, et s’assurait leur sympathie, leur appui, en respectant, en protégeant leur nationalité, Bonaparte se les aliénait en les asservissant, en les inféodant à la France par la conquête. Le 13 mai 1803, l’Angleterre déclare la guerre à la France. Les royalistes trament un nouveau complot contre la vie du premier consul ; le complot avorte. Le général Moreau, compromis dans cette tentative, est banni ; Georges Cadoudal est exécuté ; Pichegru, son complice, est trouvé étranglé dans sa prison ; et la rumeur publique accuse le premier consul. Un autre meurtre, non douteux cette fois, fut celui du duc d’Eghien, enlevé sur le territoire étranger, amené au château de Vincennes, le 15 mars 1804, et, après un simulacre de jugement, fusillé dans les fossés de cette forteresse par les ordres de Bonaparte. Celui-ci, grâce à sa prodigieuse habileté à profiter des circonstances et à persuader la France, ainsi qu’en brumaire, qu’il lui est indispensable, prétexte adroitement de la dernière tentative des royalistes contre sa vie pour se faire offrir, par le sénat, l’empire héréditaire, sa dynastie devant sauvegarder la France contre de nouveaux bouleversements. Cette offre spontanée de la couronne, comédie concertée de longue main entre Bonaparte, le sénat, le tribunat et le Corps législatif, assemblées dont il disposait à son gré, ne rencontra qu’un seul opposant : CARNOT ; et cet homme illustre prononça ces belles paroles :

« Le citoyen premier consul a restauré, dit-on, la liberté publique, a opéré le salut du pays ; soit. Mais sera-ce une récompense à lui offrir que cette même liberté ? ne sera-ce pas anéantir l’œuvre de cet excellent citoyen que de lui abandonner le pays en patrimoine ? Du moment qu’il fut proposé au peuple français de voter le consulat à vie, chacun soupçonna une arrière-pensée : on vit se succéder une foule d’institutions monarchiques ; aujourd’hui, tout se découvre ; nous sommes appelés à nous prononcer sur le rétablissement du système monarchique : je vote contre l’empire héréditaire, de même que j’ai voté contre le consulat à vie. »

Le 18 mai 1804, l’établissement de l’empire fut proclamé à Saint-Cloud, et ratifié par le