Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/291

Cette page n’a pas encore été corrigée

nationale. — Le plus grand nombre d’entre eux cèdent à la force et se retirent lentement et pas à pas, faisant face aux soldats, en criant : Vive la république ! D’autres veulent se faire tuer en se précipitant sur la pointe des baïonnettes, mais les grenadiers relèvent leurs fusils et entraînent les représentants hors de la salle.

MARTIN, d’une voix éclatante. — César triomphe ! viendra le jour de Brutus ! Vive la république !

_____

Telles furent les journées de brumaire. Le citoyen Cornet, membre du conseil des Anciens, puis devenu sénateur sous le Consulat, comte sous l’Empire et pair de France sous la Restauration, apprécie de la sorte les événements dans une notice historique publiée à Paris, en 1819 :

«… Cette journée de brumaire fut une journée de dupes en ce sens que le pouvoir passa en des mains que l’on n’avait pas assez redoutées. Le général Bonaparte affirmait qu’il ne voulait être que l’instrument des volontés des représentants de la nation et du gouvernement qu’ils établiraient. — Les uns croyaient la révolution monarchique et royaliste : en effet, la constitution de l’an III avait préparé les voies à un gouvernement constitutionnel ; — les autres rêvaient une république à la romaine et songeaient à des consuls, à un sénat ; mais Bonaparte n’a jamais connu et entendu qu’un pouvoir absolu. Toute sa famille avait les mêmes vues ; il n’en pouvait être autrement. »

Cet attentat ne laissa à la république qu’un vain nom, substituant au gouvernement responsable et révocable du Directoire, pouvoir exécutif issu des assemblées électives, la dictature d’un homme : car, bien que le gouvernement provisoire, formé après brumaire, se composât de trois consuls : BONAPARTE, SIEYÈS et ROGER DUCOS, le premier exerçait seul la puissance. Il se décernait ainsi à lui-même la récompense de son attentat contre les lois et la constitution de son pays ; ses deux complices recevaient le prix de leur trahison envers le Directoire et le conseil des Cinq-Cents. Les membres de ce conseil les plus notoirement connus par la fermeté de leurs opinions républicaines furent, au nombre de trente-sept, condamnés sans jugement à la déportation à la Guyane, et vingt-deux autres à l’internement et à la surveillance dans le département de la Charente. Cette proscription, décrétée par le général Bonaparte et ses deux collègues, sur le rapport de Fouché, souleva tellement la réprobation universelle, que la peine