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quoi bon vous exposer !! Ces malheureux sont aveugles ou rendus fous par la peur !!

LE GÉNÉRAL SERRURIER, s’avançant vers le front des troupes. — « Soldats ! le conseil des Anciens s’est réuni au général Bonaparte, et le conseil des Cinq-Cents a voulu l’assassiner. »

OFFICIERS et SOLDATS. — Vive Bonaparte ! — Il faut f… les Cinq-Cents par la fenêtre ! — Est-ce que nous avons besoin de tant de gouvernants ? Si le petit caporal était seul le maître, ça irait bien mieux. — Vive Bonaparte !

JEAN LEBRENN, s’éloignant avec Duresnel. — Tout est perdu… l’armée est fanatisée… le peuple indifférent ou abusé… nous voyons se lever la sinistre aurore du plus effrayant des despotismes, du despotisme militaire.

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Pendant que Lucien, abandonnant précipitamment l’assemblée, était allé rejoindre le général Bonaparte, afin de décider, par ses incroyables calomnies, l’envahissement et la dissolution du conseil des Cinq-Cents, les représentants du peuple, ne doutant plus de la complicité de leur président et du futur dictateur, et en proie à une agitation inexprimable, s’efforçaient de conjurer le malheur qu’ils redoutaient. Les propositions se succédaient et se croisaient à peine entendues au milieu du tumulte. — Les uns proposaient à l’assemblée de se rendre à l’instant à Paris en corps et de faire appel à l’insurrection ; les autres, prévoyant la vanité de cette tentative, proposaient d’attendre avec un calme auguste la fin de cette journée néfaste et, s’il le fallait, de mourir à leur poste. Spectacle à la fois navrant et sublime que celui de ces patriotes se débattant dans ce cercle de fer où les enfermaient la trahison et la fatalité… Soudain, l’un des représentants, le citoyen Scherlok, s’élance à la tribune ; la pâleur de ses traits, l’exaltation de son geste, commandent l’attention. Bientôt le silence succède au tumulte.

SCHERLOK, à la tribune. — Citoyens, les troupes courent aux armes, elles s’apprêtent à envahir l’assemblée… Tout à l’heure Lucien a été ramené à son frère par les grenadiers ; les soldats ont crié vive Bonaparte !… Citoyens, nous serons les derniers représentants du peuple à cette tribune ! La république est perdue !…

UNE FOULE DE VOIX. — Mourons pour la liberté ! — Hors la loi le dictateur. — Vive la constitution ! — Vive la république !

Tout à coup l’on entend les roulements des tambours se rapprochant