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à stylet ! … Cette invention monstrueuse est acceptée comme vraie par les officiers et par les soldats indignés ; plusieurs voix s’élèvent des rangs : — Les scélérats ! — Les assassins ! — Plusieurs spectateurs, partageant l’indignation des soldats, s’écrient : — Cette assemblée est donc un coupe-gorge ! — C’est horrible !

LUCIEN BONAPARTE, avec un redoublement d’énergie, voyant le bon succès de sa ruse. — « Soldats, je vous le déclare, ces audacieux brigands, sans doute soldés par l’Angleterre, se sont mis en rébellion contre le conseil des Anciens, ils ont osé parler de mettre hors la loi le général chargé de l’exécution de son décret… comme si nous étions encore en ces temps affreux du règne de la terreur, où ces mots hors la loi suffisaient pour faire tomber les têtes les plus chères à la patrie. »

Les aides de camp et les généraux dont est entouré le général Bonaparte font entendre de violentes menaces contre les membres du conseil des Cinq-Cents ; — le colonel Olivier, tirant son sabre et le brandissant : — Il faut en finir avec ces brigands ! — Oui, oui ! — répondent une foule de voix dans les rangs de la troupe. — C’est une imposture infâme, s’écrie Jean Lebrenn, — s’adressant aux personnes qui l’entourent, — Lucien Bonaparte ment effrontément. Je viens de voir un membre du conseil des Cinq-Cents, le citoyen Martin : la mise hors la loi du général Bonaparte a été spontanément votée par la majorité… aucun représentant n’avait de stylet. — Mais puisque le président l’affirme, il doit bien le savoir, lui, — répondent plusieurs voix à Lebrenn. — Écoutons ! écoutons !

LUCIEN BONAPARTE. — « Soldats ! je vous déclare que ce petit nombre de représentants furieux se sont mis eux-mêmes hors la loi par leurs attentats contre la liberté de ce conseil… Eh bien, au nom de ce peuple, qui est depuis tant d’années le jouet de ces misérables enfants de la terreur, je vous confie, braves soldats, le soin de délivrer la majorité de leurs représentants, afin que, délivrée des stylets par les baïonnettes, elle puisse délibérer sur le sort de la république. »

Les officiers, les soldats accueillent par leurs acclamations ces paroles de Lucien Bonaparte, l’exaspération est à son comble contre les prétendus représentants à stylet. — Les scélérats… c’est le poignard sur la gorge qu’ils ont forcés les autres de décréter la mise hors la loi de notre général, s’écrient des soldats. — Il faut les fusiller sur place ! — Oui, oui ! — À mort les assassins ! — Mais encore une fois, c’est faux, — reprenaient Jean Lebrenn et Duresnel, — essayant en vain de