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Lucien Bonaparte, malgré la sommation de Bigonnet, consulte de nouveau la minorité ; une explosion de cris d’indignation flétrit la conduite du président. Une foule de membres se précipitent vers le bureau et vers la tribune, réclamant la parole, les autres sont debout ; diverses propositions sont faites et se perdent au milieu d’un grand tumulte que dominent cependant les cris : — Pas de dictature ! Vive la constitution ! Il faut renouveler le serment ! — Lucien Bonaparte, atermoyant et rusant, feint d’oublier de mettre aux voix la proposition de Debrel et de ne s’occuper que des violentes apostrophes dont il est l’objet, et en vain une foule de voix s’écrient : — Le serment ! le serment !

LE PRÉSIDENT LUCIEN BONAPARTE, avec un courroux simulé. — Je sens trop la dignité du poste que j’occupe pour supporter plus longtemps les menaces insolentes de quelques orateurs, et pour ne pas rappeler de tout mon pouvoir l’ordre et la décence dans le conseil.

Le calme se rétablit, et le président accorde la parole à l’orateur qui l’avait réclamée le premier après Gaudin.

GRANDMAISON. — Citoyens représentants, la France ne verra pas sans étonnement que la représentation nationale et le conseil des Cinq-Cents, cédant au décret constitutionnel du conseil des Anciens, se soient rendus dans cette nouvelle enceinte sans être instruits du danger, imminent sans doute, qui nous menaçait ! On a parlé de factieux, nous les avions signalés depuis longtemps, les factieux (Oui ! oui !), et certes, ils ne nous épouvantent pas ! Je demande que l’on nous instruise des grands dangers qui menacent la constitution : je dis la constitution, parce que tout le monde prétend vouloir conserver la république ; reste à savoir quelle république on veut. (Bravos prolongés. — C’est cela !) Sera-ce celle de Venise, celle des États-Unis ? Prétendra-t-on qu’en Angleterre, la république et la liberté existent ? Je réponds que non ! je réponds que ce n’est pas pour vivre sous de tels gouvernements que nous avons depuis dix ans fait tous les sacrifices imaginables, que nous avons épuisé nos fortunes et que le sang français a coulé à torrents. (Tonnerre d’applaudissements.) Je demande qu’à l’instant tous les membres du conseil renouvellent le serment de fidélité à la constitution de l’an III…

DELBREL. — Et que le serment soit prêté conformément à la loi.


GRANDMAISON. — Oui, et de plus, je demande que nous fassions le serment de nous opposer au rétablissement de toute espèce de tyrannie. (Bravos enthousiastes.) Je demande en outre un message au