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liberté et l’égalité ! Je m’en remettrais, mes braves amis, au courage de vous tous et à ma fortune ! (Frémissements d’indignation parmi la minorité révoltée de cet audacieux appel à la force et au hasard.) Je vous invite, représentants du peuple, à vous former en comité général, et à y prendre les mesures salutaires que l’urgence des dangers commande impérieusement. Vous trouverez toujours mon bras pour faire exécuter vos résolutions.

Le général Bonaparte sort suivi de ses aides de camp, au milieu des acclamations de la majorité factieuse et de la consternation de la minorité.

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Pendant que la majorité factieuse du conseil des Anciens s’inféodait à un futur dictateur militaire, la majorité républicaine du conseil des Cinq-Cents, réuni dans l’orangerie du château de Saint-Cloud, disposée pour cette séance, était en proie à une vive agitation ; les impérieuses, violentes et menaçantes paroles que le général Bonaparte venait de prononcer dans l’autre assemblée, aux acclamations des conspirateurs, avaient été rapportées à plusieurs des membres du conseil des Cinq-Cents. Les projets liberticides du nouveau César ne faisaient plus de doute pour personne, et les derniers représentants du peuple voulaient se montrer jusqu’à la fin, dignes de leur mandat, et protester par tous les moyens possibles contre l’usurpation qu’ils prévoyaient. Lucien Bonaparte, complice des factieux, et en cela doublement criminel, présidait l’assemblée, ferme et résolu de tenir tête à l’orage, ainsi qu’il l’avait promis à Fouché dans le conciliabule de l’avant-veille, et comptait s’appuyer sur la très-faible minorité contre-révolutionnaire du conseil des Anciens, disposée à favoriser l’usurpation militaire du général Bonaparte.

Soudain, un profond silence s’établit, et le représentant du peuple Émile Gaudin se dirige vers la tribune en disant au président : — Je demande la parole pour une motion d’ordre.

LE PRÉSIDENT LUCIEN BONAPARTE. — Vous avez la parole…

ÉMILE GAUDIN, à la tribune. — Citoyens représentants, un décret du conseil des Anciens a transféré les séances du Corps législatif dans cette commune. Cette mesure extraordinaire ne pouvait être provoquée que par la crainte ou l’approche d’un danger extraordinaire. En effet, le conseil des Anciens a déclaré aux Français qu’il usait d’un droit qui lui est délégué par l’article 102 de la constitution pour enchaîner les factions qui prétendent subjuguer la représentation