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LA MAJORITÉ. — Silence… Écoutez…

LE PRÉSIDENT LEMERCIER, avec empressement. — Le général Bonaparte a la parole.

LE GÉNÉRAL BONAPARTE. — Représentants du peuple, vous n’êtes point dans des circonstances ordinaires ; vous êtes sur un volcan. Permettez-moi de vous parler avec la franchise d’un soldat, avec celle d’un citoyen zélé pour le bien de son pays ; et suspendez, je vous en prie, votre jugement jusqu’à ce que vous m’ayez entendu jusqu’à la fin. — J’étais tranquille à Paris, lorsque je reçus le décret du conseil des Anciens, qui me parla de ses dangers, de ceux de la république. À l’instant j’appelai, je retrouvai mes frères d’armes, et nous vînmes vous donner notre appui ; nous vînmes vous offrir les bras de la nation, parce que vous en étiez la tête. Nos intentions furent pures, désintéressées ; et, pour prix du dévouement que nous avons montré hier et aujourd’hui, déjà l’on nous abreuve de calomnies ! On parle d’un nouveau César, d’un nouveau Cromwell ; on répand que je veux établir un gouvernement militaire (Applaudissements de la majorité, la minorité demeure glaciale.)

HUBERT, à part. — Allons, le grand capitaine est aussi un grand diplomate ! Quel aplomb ! 


LE GÉNÉRAL BONAPARTE. — Représentants du peuple, si j’avais voulu opprimer la liberté de mon pays, si j’avais voulu usurper l’autorité suprême, je ne me serais point rendu aux ordres que vous m’avez donnés, je n’aurais pas eu besoin de recevoir cette autorité du sénat. Plus d’une fois, et dans des circonstances extrêmement favorables, j’ai été appelé à prendre l’autorité.

UN MEMBRE DE LA MINORITÉ. — Quand donc cela ?

LE GÉNÉRAL BONAPARTE. — Après notre triomphe en Italie, oui, j’ai été appelé à prendre l’autorité par le vœu de la nation ; j’y ai été appelé par le vœu de mes camarades, par celui de ces soldats maltraités depuis qu’ils ne sont plus sous mes ordres.

GUYOMARD. — C’est une injure aux autres généraux !

SAVARY. — Les soldats n’avaient pas le droit de vous proposer la dictature.

UN AUTRE MEMBRE. — Sommes-nous tombés dans le Bas-Empire et à la merci des prétoriens ? 


LE GÉNÉRAL BONAPARTE. — Ces soldats, que j’aime plus que personne, sont obligés encore aujourd’hui d’aller faire dans les départements de l’Ouest une guerre horrible, que la sagesse et le retour