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terrible, il faut apprécier ce danger, afin de connaître les mesures ultérieures que nous aurons à prendre.

CORNUDET. — Sans doute, notre collègue Savary n’a point entendu demander le rappel du décret irrévocable que vous avez rendu hier ?…

SAVARY. — Non !!

CORNUDET. — Il s’agit donc seulement de savoir quand la commission entrera dans de plus longs détails sur les faits qu’elle vous a exposés à la séance d’hier. Eh bien, je crois que, quant à présent, cette demande doit être écartée…

MEMBRES DE LA MINORITÉ. — Pourquoi cela ? — Si le péril que court la république est aussi grand que vous le prétendez, raison de plus pour nous le faire connaître. — C’est évident !

CORNUDET. — Je suis d’un avis absolument contraire, et je crois que le conseil doit se borner à donner avis au conseil des Cinq-Cents de la résolution que vous avez prise.

LA MAJORITÉ, se levant en masse. — Appuyé !… appuyé !… Aux voix !!

En vain les membres républicains de la minorité veulent protester en soutenant à bon droit que si la translation des deux Assemblées à Saint-Cloud a été motivée par l’appréhension d’un grand danger public, il faut que le danger soit dévoilé, afin d’éclairer la religion des représentants ; mais la majorité, ayant, entre autres excellentes raisons de ne point dévoiler le danger… celle-là, qu’il est purement imaginaire, étouffe sous ses clameurs les réclamations de la minorité. L’envoi des deux messages au conseil des Cinq-Cents et au Directoire est voté.


UN HUISSIER, annonçant. — Monsieur le général Bonaparte.

Le général Bonaparte entre dans la galerie l’air impérieux et altier, ses aides de camp l’accompagnent, et à travers les portes de la galerie laissées ouvertes, l’on aperçoit les fusils et les bonnets à poil d’un peloton de grenadiers.


QUELQUES MEMBRES DE LA MINORITÉ, avec indignation. — Quoi ! des soldats ici ! — De quel droit le général Bonaparte se fait-il annoncer dans cette enceinte ? — Vient-il donc jouer le rôle d’un nouveau César ?

EXPLOSION DE CRIS DE LA MAJORITÉ. — Silence ! silence ! 


LE GÉNÉRAL BONAPARTE, d’une voix impérieuse et brève. — Je demande la parole.

SAVARY. — À quel titre ? de quel droit ?