Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/264

Cette page n’a pas encore été corrigée

sévère et simple uniforme des généraux de la république : habit bleu à larges revers, écharpe tricolore, comme le panache du chapeau, pantalon très-juste en drap blanc, et bottes à retroussis jaune, ne dépassant pas le milieu du mollet ; le teint maladif et bilieux du général corse fait paraître plus remarquablement l’expressive maigreur de son visage, accentué fortement et encadré de cheveux noirs, longs et plats. L’expression de son regard est presque indéfinissable : elle révèle à la fois l’orgueil et la dissimulation, l’astuce et l’énergie. Son sourire, tour à tour insidieux, sardonique ou hautain, complète cette physionomie étrange, saisissante et qu’il est impossible d’oublier jamais. Les généraux Berthier, Lefebvre, Moreau, Macdonald, Murat, Moncey, Beurnonville, Marmont et plusieurs aides de camp, parmi lesquels se trouve le colonel Olivier, escortent le général Bonaparte. Leur attitude est altière et déjà triomphante, et le bruit de leurs sabres traînants et de leurs bottes éperonnées, retentit sur les dalles de la salle, mais bientôt un profond silence règne dans l’assemblée.

LE PRÉSIDENT LEMERCIER, à Bonaparte. — Général, le conseil des Anciens vous a mandé près de lui pour vous donner ses instructions.

LE GÉNÉRAL BONAPARTE, d’une voix très-claire, presque aiguë, et avec un accent bref, fébrile et hautain. — Représentants du peuple… la république périssait ; vous l’avez su, et votre décret vient de la sauver. Malheur à ceux qui voudraient le trouble et le désordre ! je les arrêterai, aidé du général Lefebvre, du général Berthier, et de tous mes compagnons d’armes. (Applaudissements chaleureux de la majorité factieuse.)

LE PRÉSIDENT LEMERCIER. — Général, le conseil des Anciens reçoit vos serments ; il ne forme aucun doute sur leur sincérité et sur votre zèle à les remplir. Celui qui ne promit jamais en vain des victoires à la patrie ne peut qu’exécuter avec dévouement de nouveaux engagements de la servir et de lui rester fidèle.

Le général Bonaparte sort suivi de son état-major. La majorité se lève aux cris de vive la république !…

HUBERT, riant et à part. — Vive la république !… La plaisanterie est charmante, et le général, a joué son rôle de fin compère.

DESMARAIS, à part. — Je suis sauvé !… Si les terroristes osent remuer, le général les mitraillera jusqu’au dernier… Quelle énergie dans son regard inflexible !

LE PRÉSIDENT LEMERCIER. — La séance est levée… À demain, messieurs, à Saint-Cloud.