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LE PRÉSIDENT LEMERCIER. — Vous n’avez pas la parole… Elle appartient à M. Régnier [1].

RÉGNIER, à la tribune. — Représentants du peuple, quel est l’homme assez stupide pour douter encore des dangers qui nous environnent ? Les preuves n’en sont que trop multipliées ; mais ce n’est pas le moment de dérouler ici leur épouvantable série. Le temps presse, et le moindre retard pourrait devenir si fatal, qu’il ne fût plus en votre puissance de délibérer sur les remèdes. À Dieu ne plaise que je fasse l’injure aux citoyens de Paris de les croire capables d’attenter à Ia représentation nationale ! Je ne doute pas, au contraire, qu’ils ne lui fassent, au besoin, un rempart de leurs corps ; mais cette ville immense renferme dans son sein une foule de brigands audacieux et de scélérats désespérés ; ils attendent avec une impatience féroce un moment d’imprévoyance ou de surprise pour nous frapper, et par conséquent frapper au cœur la république elle-même. (Explosion de cris de feinte indignation, poussés par les conjurés. Tumulte.)

HUBERT, à part. — Toujours les septembriseurs de Fouché… Quel superbe aplomb a ce Régnier !

UN MEMBRE DE LA MINORITÉ. — S’il existe une conspiration contre la république… dévoilez-la…

LE PRÉSIDENT LEMERCIER. — Vous n’avez pas la parole !

RÉGNIER, à la tribune. — Je vous propose, messieurs, aux termes de la constitution, le projet de décret irrévocable qui suit, et je vous le propose avec d’autant plus de confiance qu’un grand nombre de mes collègues, honorés de votre confiance, ont partagé mon vœu. (Il lit.)

« Le conseil des Anciens, en vertu des articles 102, 103 et 104 de la constitution, décrète ce qui suit :

» Art. 1er. — Le Corps législatif est transféré dans la commune de Saint-Cloud. Les deux conseils y siégeront dans les deux ailes du palais.

» Art. 2. — Ils y seront rendus demain 19 brumaire, à midi.

» Toute continuation de fonctions et de délibérations est interdite ailleurs avant ce temps.

» Art. 3. — Le général Bonaparte est chargé de l’exécution du présent décret ; il prendra toutes les mesures nécessaires pour la sûreté de la représentation nationale. Toutes les troupes sont mises sous le commandement en chef du général Bonaparte ; il sera a appelé

  1. Autre compère assistant la veille à la délibération chez Lahary.