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nulle attention à Lebrenn, à Castillon et à Duchemin ; et s’adressant à Martin : — Je suis enchanté, monsieur, de cette occasion de renouveler connaissance, avec un ancien frère d’armes.

MARTIN. — Citoyen, je suis non moins que vous heureux de la circonstance qui nous rapproche, ainsi que trois de nos anciens camarades de l’armée de Rhin et Moselle. (Il désigne du geste Lebrenn, Castillon, et Duchemin.) Vous ne vous attendiez pas à les trouver chez moi ?

OLIVIER, surpris, allant vivement à Lebrenn, et lui tendant la main : — Quelle bonne rencontre !… Vous, ici… et depuis quand ?

LEBRENN. — Depuis ce matin.

OLIVIER. — Comment se porte madame Lebrenn ?

LEBRENN. — Je vous remercie, Olivier, la citoyenne Lebrenn se porte bien.

OLIVIER. — Et votre fils ?

LEBRENN. — Il grandit, et j’espère faire de lui un bon républicain.

CASTILLON, s’approchant du colonel, et lui frappant familièrement sur l’épaule. — Ah ça, dis donc, mon garçon, est-ce que ton grade de colonel t’a rendu myope ?

OLIVIER, tressaille, et, pourpre de colère, toisant Castillon. — Qu’est-ce à dire ? Qui êtes-vous ?

CASTILLON. — Eh bien ! c’est moi, quoi donc ; oui, Castillon, ton ancien contre-maître, qui t’ai appris à manier la lime quand tu étais notre apprenti, à l’ami Jean et à moi.


LE COLONEL OLIVIER, avec hauteur et impatience. — Bonjour, mon cher, bonjour. (À Lebrenn.) Et quel heureux hasard vous amène à Paris ?

CASTILLON, touchant le bras d’Olivier. — Dis donc, mon garçon, est-ce que vraiment tu serais devenu pour tout de bon aristocrate, depuis que tu appartiens à l’état-major du général Bonaparte, comme le dit Duchemin, notre ancien camarade des lignes de Wisembourg, ci-présent, et que tu n’as pas l’air de reconnaître ?

DUCHEMIN, bas à Castillon. — Tais-toi donc, mon vieux, il me fera flanquer à la salle de police par le commandant de place de Paris, et nous ne pourrons pas aller au faubourg.

LE COLONEL OLIVIER, après un moment de silence, et, se contenant, imposé, imposé par la présence de Jean Lebrenn. — Je répondrai à monsieur Castillon que si j’ai été son apprenti, ce dont je ne rougis pas…

CASTILLON. — Vraiment ?… tu nous fais cet honneur-là ?…

LE COLONEL OLIVIER. — Monsieur Castillon devrait comprendre