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DELBREL. — Oui, s’il avait la fermeté de se décider ; c’est ce que nous allons savoir. À tantôt, Martin.

MARTIN. — J’apporterai à notre réunion quelques renseignements précis ; j’attends ce matin un bon patriote, ouvrier serrurier, ancien soldat de mon bataillon ; il habile le faubourg Antoine, il me donnera des détails sur l’esprit de la population de ce quartier.

DELBREL. — C’est important ; ainsi, à tantôt.

Delbrel et Grandmaison sortent.

LEBRENN, s’adressant à Martin. — Ah ! mon ami, je tremble pour la liberté, si le peuple reste indifférent au péril dont est menacée la république ! S’il faut pour la défendre, pour la sauver, recourir à l’intervention d’un général et de ses soldats, la république sera tôt ou tard à la merci de son sauveur, elle subira le despotisme du sabre !

MARTIN. — Mais cependant, un coup d’État échéant, si les faubourgs ne bougent pas, que faire ? que résoudre ?

En ce moment entre Castillon, accompagné de Duchemin, ancien maréchal des logis chef de canonniers à cheval dans l’armée de Rhin-et Moselle ; il porte la petite tenue d’artilleur et les galons de son grade ; son bras gauche est soutenu en écharpe ; ses traits, brunis par le soleil d’Égypte, sont aussi bronzés que ceux d’un Arabe.

CASTILLON, à Lebrenn, d’une voix entrecoupée. — Ah ! l’ami Jean… Je ne m’attendais pas… quand ce matin j’ai appris par… la lettre du… capitaine que… que… (Il ne peut s’empêcher de pleurer de joie.) Sacrédié… que je suis donc bête !

LEBRENN, avec effusion. — Embrasse-moi, mon vieux Castillon, je te retrouve tel que je t’ai laissé, le meilleur des hommes !

Lebrenn et son ancien contre-maître, après s’être embrassés cordialement, échangent quelques paroles à voix basse, tandis que Duchemin dit à Martin qui l’examine avec attention, cherchant à rappeler ses souvenirs : — Vous ne me reconnaissez pas, mon capitaine ?

MARTIN. — Non ; et cependant… il me semble… que nous nous sommes déjà vus.

DUCHEMIN. — C’est ce fichu soleil d’Égypte qui a gâté la fraîcheur de mon teint en le rendant couleur de revers de botte, sans quoi vous reconnaîtriez Duchemin, ancien canonnier à cheval dans l’armée de Rhin et Moselle, où nous servions ensemble.

MARTIN, lui tendant affectueusement la main. — Je vous reconnais maintenant, mon vieux camarade. (Souriant.) Et Carmagnole ?… et Rouget ?…

DUCHEMIN, soupirant. — Ne m’en parlez pas, mon capitaine, mon