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suivant s’engagea entre nous. Je l’ai, pour plus de sûreté, dialogué. Le voici : (Il lit.)

BONAPARTE. — « Je sais le but de votre visite ; voici en deux mots ma réponse : Une dictature est indispensable pour sauver la France de l’anarchie ; seul, je puis être dictateur. Je n’estime ni Sieyès ni les siens, mais ils sont prêts à tout oser… Hâtez-vous, sinon ils feront avant vous et sans vous. Nommez-moi membre du Directoire à la place de Barras, nous les renverserons tous. » MOI. — « Citoyen, vous n’avez pas l’âge requis par la constitution pour être nommé directeur. » BONAPARTE. — « Sotte constitution, qui veut que l’on ait quarante ans pour être utile à son pays. » MOI. — « Cette constitution existe, tous les citoyens doivent la respecter. » BONAPARTE. — « Votre respect est une absurdité, votre constitution n’existe plus. » MOI. — « Elle existe, citoyen, et si défectueuse qu’elle soit, nous sommes résolus de la défendre comme dernier rempart de nos libertés. En somme, voici les dernières propositions que la majorité du conseil des Cinq-Cents m’a chargé de vous adresser : — Vous serez nommé général en chef de toutes les armées ; ces fonctions vous donneront la haute main sur la direction de la guerre ; vous serez, de plus, revêtu d’un caractère diplomatique qui vous permettra de prendre l’initiative des traités de paix, que vous soumettrez ensuite au Directoire. Ces fonctions sont les plus élevées que puisse désirer un citoyen jaloux de bien servir la république. » BONAPARTE. — « Je n’accepte pas cette position toujours subordonnée au Directoire. Je veux être généralissime des armées françaises, je veux être investi d’un pouvoir dictatorial sans contrôle ; à ce prix seulement, je sauverai la France. » MOI. — « Citoyen, la constitution proscrit le titre et les fonctions de généralissime, et les attributions dictatoriales sont incompatibles avec la liberté ; la république veut toujours pouvoir destituer ou mettre en accusation ses fonctionnaires militaires ou civils, de quelque rang qu’ils soient ; nous vous proposons donc le grade de général en chef, revêtu des pouvoirs diplomatiques les plus étendus, et dès que vous serez investi de ces éminentes fonctions, nous ferons appel à votre patriotisme pour défendre la loi, la constitution, menacées par une faction, dont Sieyès et Roger Ducos sont les chefs, et dont la majorité du conseil des Anciens sont les complices. » BONAPARTE. — « Je ne puis rien faire pour le pays ni pour la république si je ne suis investi d’un pouvoir dictatorial ; telle est ma conviction, je suis et serai inébranlable