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membre du conseil des Cinq-Cents, le colonel Olivier veut peut-être tâcher de m’attirer dans le parti de son général.

LEBRENN. — Si pénible que me soit la rencontre d’Olivier, je m’en félicite presque, je ne ménagerai pas la vérité à celui qui fut mon apprenti, et peut-être, grâce à mon ancienne influence sur lui, pourrai-je lui ouvrir les yeux.

MARTIN. — Est-il resté en correspondance avec vous ? J’aime à croire que du moins il ne s’est pas montré ingrat ? Je sais par vous tout ce qu’il doit à votre famille, et surtout au touchant dévouement de votre vaillante sœur.

LEBRENN. — Olivier m’a écrit quelquefois d’Italie pour m’instruire de son avènement aux grades de capitaine, puis de chef d’escadron, me protestant de sa détermination de suivre les conseils de ma sœur mourante et ceux que je continuais de lui donner ; puis il a cessé peu à peu de correspondre avec moi, et depuis près de deux ans je n’avais pas de nouvelles de lui.

Le citoyen Delbrel, député au conseil des Cinq-Cents, est introduit dans l’atelier.

MARTIN, à Delbrel. — Je vous présente l’un de mes meilleurs amis, le citoyen Jean Lebrenn, ancien volontaire dans mon bataillon, et membre de la commune au 9 thermidor : un patriote éprouvé ; il arrive de Bretagne.

DELBREL, à Lebrenn. — Soyez le bienvenu à Paris, citoyen ; les bons patriotes sont rares en ces malheureux temps.

MARTIN, à Delbrel, vivement. — Eh bien !… et Barras ?

DELBREL. — Il s’est retranché au fond de son appartement, au Luxembourg, comme dans une place forte ; je n’ai pu parvenir jusqu’à lui.

MARTIN. — Quoi ! il ne vous a pas reçu, même en déclinant votre titre de membre du conseil des Cinq-Cents ?

DELBREL. — Mon titre a sans doute été pour Barras une raison de plus pour ne point me recevoir ; cependant, j’ai tenté un dernier effort, je lui ai fait parvenir un mot où je lui demandais un entretien de la dernière urgence, au nom de la majorité républicaine de l’assemblée. Il m’a fait répondre par son secrétaire qu’une grave indisposition l’empêchait de recevoir personne et de s’occuper d’affaires.

LEBRENN. — Ainsi que vous le supposiez, mon cher Martin, Barras veut rester neutre dans la crise qui se prépare, et voir venir les événements…