Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/220

Cette page n’a pas encore été corrigée

s’engager avec aucun parti. Selon moi, il ruse avec Sieyès, duquel il ne consentira jamais à être l’instrument secondaire, et il ruse de même avec nous, qui ne consentirons jamais à servir son ambition.

Le domestique de Martin entre et remet une lettre à son maître, en lui disant : — Un dragon d’ordonnance vient d’apporter cette lettre, citoyen, et il attend la réponse. — Martin décachète l’enveloppe et lit ce qui suit :

« Peut-être vous souvenez-vous, monsieur, d’un sous-officier du troisième régiment de hussards qui, en ces jours de sanglant terrorisme où l’honneur national était réfugié aux armées, eut l’honneur de concourir avec vous à la défense d’une batterie, à la bataille de Wissembourg ? Ce sous-officier a fait son chemin ; il a, de plus, eu la gloire de servir presque toujours sous les ordres du plus grand capitaine des temps anciens et modernes, et duquel la France, en proie à tous les maux de l’anarchie, attend aujourd’hui son salut.

» Sachant, monsieur, votre immense et légitime renommée de peintre de batailles, je désirerais vivement que vous voulussiez bien vous charger d’un tableau dont je vous donnerais moi-même les indications. Je vous prie de me faire savoir à quelle heure vous pourrez, aujourd’hui, m’accorder quelques moments d’entretien au sujet de ce tableau.

» Agréez l’assurance de mes sentiments distingués,

» OLIVIER,

 » Colonel du septième régiment de dragons, aide de camp du général Bonaparte. »

MARTIN, après un moment de réflexion, dit à son domestique : — Répondez à ce militaire que j’attendrai son colonel ce matin. (Le serviteur sort. Martin, donnant la lettre d’Olivier à Jean Lebrenn.) Lisez, mon ami…

LEBRENN, après avoir lu. — Les pressentiments de ma pauvre sœur ne l’ont pas trompée. « Olivier, — me disait-elle, — aime la bataille pour la bataille ; il ne voit dans la guerre qu’un métier capable de satisfaire son orgueil et son ambition effrénée… » — Victoria prévoyait ce qui arrive. Olivier, devenu colonel, se montre déjà l’un des séides du général Bonaparte, et il calomnie, il injurie les jours immortels de 1793… Il en devait être ainsi !

MARTIN. — Je pense que la commande du tableau n’est qu’un prétexte de renouveler connaissance avec moi ; et sachant que je suis