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donnèrent une majorité complètement républicaine. La bourgeoisie, généralement réactionnaire, avait jusqu’alors voté pour les royalistes, mais, non moins irritée qu’effrayée des attaques de ce parti contre les acquéreurs de biens nationaux, dont elle possédait un grand nombre et d’ailleurs, dans une certaine mesure, attachée à la révolution en haine de l’ancien régime, la bourgeoisie porta ses voix sur des candidats républicains choisis dans son sein. Cette majorité sincèrement républicaine, se montra hostile au Directoire, qu’elle accusait de ménagements envers les conspirateurs royalistes de fructidor. Les directeurs, en cette circonstance, et s’appuyant sur le précédent du coup d’État de fructidor, eurent la criminelle pensée de porter une nouvelle atteinte à la représentation nationale et d’annuler les élections républicaines de floréal, de même qu’ils avaient annulé les élections royalistes de l’an V. Ce nouveau coup d’État, n’ayant pas même pour excuse le salut public, puisque la majorité des conseils se montrait résolue de soutenir et d’affermir la république, eut des conséquences désastreuses, dont la plus funeste devait être les événements de brumaire. La représentation nationale, ainsi mutilée, subalternisée par le pouvoir exécutif, perdit toute autorité dans l’opinion publique ; les royalistes agitèrent de nouveau le pays ; leurs éternels complices, les rois étrangers, formèrent contre la France une nouvelle coalition dont l’Angleterre fut l’âme ; l’Autriche, la Prusse, la Confédération germanique, le roi de Piémont et celui de Naples entrèrent dans cette ligue, effrayés de la propagande révolutionnaire qui avait déjà couvert les frontières de la France d’une ceinture de républiques naissantes. Les forces de la coalition étaient immenses. Elle attaqua d’abord notre alliée, la Hollande, devenue république, entra en Suisse et envahit les États républicains placés sous notre protectorat. Les débuts de cette campagne furent désastreux : les généraux Scherer et Moreau éprouvèrent en Italie de graves échecs. Le duc d’York débarqua en Hollande et marcha sur nos frontières du nord ; le moment était critique. Le Directoire recula devant la complète exécution de son décret rendu contre les élections républicaines. Le danger de la patrie ralliait les patriotes, le peuple lui-même semblait prêt à sortir de son indifférence politique ; l’esprit révolutionnaire recommençait d’agiter le pays comme aux grands jours de 1793 et de 1794. Laréveillère-Lépaux et Merlin sortirent du Directoire et furent remplacés par le général Moulins, républicain sincère, et par Roger-Ducos, constitutionnel ; les autres directeurs étaient Sieyès, le fameux auteur de la brochure sur le tiers état, qui eut tant