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d’un grand capitaine. L’élévation de son caractère, la noblesse de son cœur, ont reçu ce touchant hommage, prononcé sur sa tombe par l’un des magistrats de Mayence : « Le général Marceau, même au milieu des désastres de la guerre, sut soulager les peuples ; il préserva nos propriétés, protégea le commerce et l’industrie des provinces conquises par ses armes. » Hoche ! Marceau ! la personnification la plus complète, la plus admirable du général républicain, citoyen autant que soldat, et profondément dédaigneux de ce qu’on appelle la gloire, voyant dans la guerre, non pas un métier, non pas un moyen homicide de conquérir des honneurs, des pensions, des titres, mais un austère devoir civique, portant en soi cette récompense sublime : « défendre, sauver la patrie menacée, réduire ses ennemis à l’impuissance ; » puis, après l’accomplissement de ce devoir sacré, le général républicain dépose son épée, rentre dans l’égalité de la vie civile, et rien ne le distingue plus de ses concitoyens, sinon le souvenir impérissable des services qu’il a rendus au pays. Hélas ! fils de Joël ! plus tard vous comparerez par la pensée la simplicité antique de Hoche et de Marceau à l’existence somptueuse de ces maréchaux de l’empire, affublés de titres de ducs, de princes, chamarrés d’oripeaux, gorgés d’or par Bonaparte, et qui presque tous le trahirent ou, l’abandonnant indignement au jour de sa défaite, se vendirent à un Bourbon pour conserver ces grades, ces titres, ces richesses qu’ils devaient à leur maître. Terrible et juste leçon ! Fils de la république, à laquelle il avait porté le dernier coup en brumaire, Bonaparte voulut ressusciter l’aristocratie ; il en ressuscita les appétits honteux, les vices, le dégradant servilisme et la lâche ingratitude.

La paix était signée avec l’Europe ; l’Angleterre, seule, continuait contre la révolution, contre la France, cette guerre atroce qui ne reculait pas devant les moyens les plus abominables. Bonaparte voulut attaquer cette puissance dans les Indes, et soumit au Directoire, le plan de la funeste et stérile expédition d’Égypte. L’influence croissante de Bonaparte, ses allures dictatoriales au milieu de son armée, son impatience de toute autorité, les intrigues de ses frères, commençaient d’inquiéter les membres républicains du Directoire ; ils approuvèrent d’autant plus l’expédition d’Égypte qu’elle éloignait un chef militaire audacieux qui lui portait ombrage ; aussi, le 30 floréal an VI (19 mai 1798), une flotte expéditionnaire où était embarquée l’armée partit de Toulon, emportant le nouveau César et sa fortune. Les élections de ce même mois de floréal an VI (mai 1798)