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au lieu de TUER les girondins, les dantonistes, certains hébertistes, les jacobins et les terroristes, les eussent exilés, eux aussi seraient revenus servir, défendre, sauver la république en ces jours néfastes où elle a péri, faute de défenseurs !

L’on attribue à Billaud-Varenne ce mot d’une sinistre énergie : Il n’y a que les morts qui ne reviennent pas. Ce principe, appliqué par des républicains à des royalistes, aurait eu, si féroce qu’il fût, sa raison d’être ; mais appliqué à des RÉPUBLICAINS PAR DES RÉPUBLICAINS, il devient d’une atrocité stupide… Hélas ! non ! vous n’êtes pas revenus, ô Vergniaud, Danton, Camille Desmoulins, Anacharsis Clootz, Saint-Just, Robespierre et tant d’autres fervents patriotes ! Le peuple, désormais privé de ses chefs, a tenté un suprême et impuissant effort dans les journées de germinal et de prairial, puis l’astre républicain a subi une éclipse funèbre !

Les deux directeurs Barthélemy et Carnot prirent la fuite. Le premier était complice avéré des conspirateurs, le second avait désapprouvé le coup d’État de fructidor. Le Directoire, lancé fatalement dans la voie extra-légale, par suite de ce vice inhérent à la constitution de l’an III, qui excluant l’élément démocratique des élections, donnait la majorité à la contre-révolution, le Directoire, afin de briser cette majorité hostile à la république, cassa, annula les élections royalistes de quarante-huit départements, énorme illégalité, ces élections étant, après tout, régulières et conformes à la lettre de la loi ; cependant, fallait-il laisser le pouvoir législatif aux mains des ennemis flagrants de la révolution ? Déplorable impasse, nouvelle preuve de cette éternelle vérité : que le mal engendre le mal. La constitution de l’an III, en dépouillant les prolétaires de leur droit imprescriptible, s’inoculait un germe de mort, l’iniquité, qui ne pouvait produire que des iniquités. La représentation nationale, unique pouvoir de l’État, ainsi mutilée, décimée, au gré de la force ou du hasard des événements, avilie de jour en jour, n’inspirait plus ni autorité ni respect, et ainsi se frayait peu à peu la voie du despotisme militaire de Bonaparte, despotisme que prophétisa Robespierre.

Le Directoire, après avoir, par un nouveau coup d’État, fructidorisé les deux conseils, ainsi que l’on disait alors, et disposant ainsi d’une majorité factice, fit rapporter les décrets relatifs au rappel des émigrés ou des prêtres réfractaires et rassura les acquéreur des biens nationaux, qui appartenaient en masse à la bourgeoisie ; ses intérêts mercantiles la poussaient à la contre-révolution après avoir profité presque seule des immenses bienfaits de la révolution, et composant la majorité du