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conseils. Or, les directeurs, placés dans l’alternative de voir périr la république ou de tenter de la sauver par un coup d’État, se résolurent à ce dernier parti ; comptant sur le patriotisme de Hoche, ils lui mandèrent secrètement de s’approcher de Paris avec son armée, malgré l’article constitutionnel qui défendait formellement d’appeler des troupes dans un, rayon de douze lieues de la capitale, où siégeait l’Assemblée. En même temps, le Directoire, violant de nouveau la constitution, engagea l’armée (toujours l’armée !) à intervenir dans la situation en votant d’énergiques adresses contre les deux conseils. Ainsi s’accomplissait chaque jour la sinistre prophétie de Robespierre : — « La représentation nationale, avilie, tombera sous le despotisme militaire. » — Les armées, quoiqu’en partie déchues de leur ancienne grandeur civique, étaient encore animées de l’esprit républicain ; celle d’Italie, entre autres, s’exprimait ainsi dans son adresse aux conseils : — « Tremblez, royalistes ! de l’Adige à la Seine, il n’y a qu’un pas ! Vos iniquités sont comptées ; leur châtiment est au bout de nos baïonnettes. Nous avons juré, par les mânes des héros morts pour la patrie, guerre implacable à la royauté et aux royalistes. Qu’ils se montrent, et ils auront vécu ! »

Les conseils, ainsi menacés, se mirent en défense, augmentèrent les pouvoirs des inspecteurs de la salle, chargés de veiller à leur sûreté, et donnèrent le commandement de leur garde à PICHEGRU et au général WILLOT, conspirateur émigré ; convoquant enfin les bataillons de la garde nationale qui leur étaient dévoués, ils décrétèrent l’éloignement des troupes mandées par le Directoire. Barras, Laréveillère-Lépaux et Rewbell, ne comptant pas sur le concours de Carnot en ce moment de crise, et sachant Barthélemy ami et complice des royalistes, chargèrent secrètement le général Augereau, bon républicain, d’arrêter Pichegru, Willot, et les inspecteurs de la salle. La substitution tardive d’Augereau à Hoche, d’abord choisi par les trois membres républicains du Directoire, pour déjouer les complots royaliste est le nœud d’une intrigue dont les conséquences devaient être un jour si funestes à la France. Barras recevait dans son intimité Lucien Bonaparte, frère du général ; la rivalité envieuse de celui-ci contre Hoche allait grandissant, à ce point que peu de temps auparavant, lui, Bonaparte, au lieu de pousser ses succès en Italie, avait brusquement consenti à traiter de la paix à Campo-Formio avec l’archiduc Charles, afin de terminer la guerre et d’empêcher ainsi Hoche de couronner son immortelle campagne d’Allemagne par la prise presque assurée de Vienne, car après, avoir gagné coup sur coup les quatre grandes batailles de Neuwied, d’Ukerath, d’Altenkirchen et de Diesdoff,