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assemblées nationales une majorité de députés hostiles à la république. Le 1er prairial an V (20 mai 1797), le conseil des Anciens acclamait pour président un royaliste avéré, BARBÉ-MARBOIS, et le conseil des Cinq-Cents choisissait le général PICHEGRU, homme de guerre éminent, mais ambitieux, cupide, sans foi ; homme d’aventure et de coup de main, en un mot, une doublure de l’infâme Dumouriez, et comme lui capable de vendre ou d’égorger la république, moyennant une somme ronde et quelques hochets monarchiques. Enfin, les conseils ayant à remplacer Letourneur, l’un des membres sortants du Directoire, choisissent Barthélemy, ex-émigré. Les royalistes, ayant ainsi l’un des leurs au sein du Directoire et possédant la majorité dans les deux conseils, attaquèrent avec acharnement la république et la révolution, rappelèrent en masse les émigrés, les prêtres réfractaires, rendirent au culte catholique presque tous ses privilèges, s’élevèrent violemment contre les acquéreurs de biens nationaux, contestèrent la validité de leurs droits ; agitèrent de nouveau la Vendée par leurs émissaires, et se déclarèrent en opposition ouverte contre le Directoire. Celui-ci comptait parmi ses membres deux républicains modérés, intègres et résolus, Rewbell et Laréveillère-Lépaux ; leur collègue Barras, perdu de dettes et de débauches, homme sans conviction, avait cependant à cette heure intérêt à défendre la république ; enfin, Carnot, si éminent dans sa spécialité militaire, ex-membre du comité de salut public, manquait malheureusement de décision politique et restait presque indifférent au péril commun ; quant à Barthélemy, il était notoirement monarchiste. Les trois directeurs républicains, effrayés de l’audace croissante des contre-révolutionnaires, sachant leurs complots avec l’étranger et le prince de Condé, machinés par l’intermédiaire de Pichegru, virent la république sérieusement menacée ! Trop modérés par principes pour faire appel à l’énergie révolutionnaire du peuple, d’ailleurs désarmé, sans chefs, privé de ses doits civiques et, dans sa défaillance passagère, devenu profondément insouciant de la chose publique, les directeurs, n’osant ou ne voulant s’appuyer sur l’élément populaire, songèrent à s’assurer l’appui d’un général et de son armée ; premier pas fatal, irréparable, dans cette voie funeste, qui devait aboutir aux journées de brumaire. Hoche, républicain fervent, irréprochable, austère, intègre, fut le général sur qui le Directoire jeta les yeux pour sauver la république, choix excellent et mesure désastreuse, en cela qu’elle ouvrait l’ère déplorable des coups d’État, puisqu’en fait et en droit, les royalistes possédaient légalement la majorité dans les deux