Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/196

Cette page n’a pas encore été corrigée

avorta ; Babœuf, condamné à mort ainsi que ses amis, se frappa d’un coup de poignard et mourut en héros. Il voulait la constitution de 1793 et le développement social de la révolution, tel que l’entendaient Robespierre et les jacobins. L’indifférence du peuple à l’énergique appel des babouvistes offrait une nouvelle preuve de la défaillance où il était tombé, où il devait tomber, depuis la fermeture des clubs et des assemblées de section, seules écoles où il aurait pu continuer de s’initier à la vie politique. Enfin, l’effroyable persécution des patriotes, le désarmement des faubourgs, et surtout la perte de ses droits civiques, rendaient forcément le prolétaire indifférent à la chose publique. Ainsi s’élaboraient lentement les causes qui devaient assurer l’avènement du despotisme militaire prophétisé par Robespierre ; les forces vives de la république se concentraient uniquement dans ses armées, l’esprit militaire absorbait peu à peu l’esprit révolutionnaire, le CITOYEN s’effaçait devant le SOLDAT ; la troupe, désaccoutumée de voir ses généraux s’incliner devant la souveraineté du peuple, incarnée dans la personne des représentants en mission auprès des armées, oublia peu à peu ses droits et ses devoirs civiques, devint un instrument passif entre les mains de ses chefs. Partout, d’ailleurs, nos armes triomphaient ; Bonaparte battait les coalisés à Montenotte, les forçait de demander la paix, le 18 floréal an IV (mai 1796). Le Piémont, en vertu de ce traité de paix, abandonnait à la France le comté de Nice et la Savoie. Bonaparte attaque alors les Autrichiens, gagne la bataille de Lodi, tandis que Moreau et Jourdan, manœuvrant sur le Rhin, s’avançaient pour opérer leur jonction avec l’armée d’Italie et anéantir ainsi les Autrichiens. Une faute stratégique de Jourdan mit obstacle à la complète réussite de ce plan ; mais durant la campagne suivante, Hoche, à la tête de l’armée de Sambre-et-Meuse, Moreau, à la tête de l’armée du Rhin, se montrèrent aussi grands généraux que Bonaparte, et l’Autriche, forcée de conclure l’armistice de Léoben, céda la Belgique à la France, reconnut la République lombarde et implora la paix. Ainsi, une ceinture de jeunes républiques servait de postes avancés à la France, république mère, et couvrait nos frontières. Au mois de prairial an V (mai 1797), eurent lieu les élections pour le renouvellement des conseils des Anciens et des Cinq-Cents ; il fut démontré une fois de plus que la constitution de l’an III, en excluant du scrutin l’élément populaire, assurait la prépondérance des royalistes dans les conseils. En effet, les assemblées primaires, composées de censitaires, nommèrent un corps électoral qui envoya aux deux