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conseils, étaient (sauf Barras) d’honnêtes gens, républicains modérés, mais sincères : ces directeurs furent CARNOT, REWBELL, LARÉVEILLÈRE, LETOURNEUR et BARRAS. Le 4 brumaire an III (1795), la Convention prononça sa dissolution. Cette assemblée datait de la fondation de la république (21 septembre 1792).

Les historiens gagés pour excuser le coup d’État de brumaire, premier pas du général Bonaparte vers le trône, ont systématiquement calomnié le Directoire, affirmant que, sous ce gouvernement, la France était perdue, ruinée, envahie, démembrée, si Bonaparte, l’homme du destin, l’homme providentiel, ne se fût hâté d’accourir du fond de l’Orient afin de s’emparer du pouvoir par un audacieux coup de main. Cette affirmation est plus ridicule encore qu’elle n’est effrontée, ceci ressort d’un simple rapprochement.

Le Directoire a laissé la république victorieuse en Suisse, en Italie, en Allemagne, possédant toutes les conquêtes de la révolution ; nos frontières du Rhin et des Alpes entourées de républiques naissantes.

Napoléon Ier a laissé la France appauvrie, épuisée, dépouillée de toutes ses conquêtes, réduite à ses frontières de 1792, et deux fois envahie, occupée par l’étranger, bivaquant dans Paris !

Le Directoire, presque désarmé contre les complots des factions royalistes, ne pouvant s’appuyer sur l’élément démocratique, exclu de la constitution de l’an III, dut renoncer à l’initiative et à l’énergie révolutionnaire ; il a fait humainement ce qu’il pouvait faire, lors de son avènement au pouvoir et dans les circonstances données ; or, les circonstances étaient déplorables ; tout empirait, périclitait en France depuis le 9 thermidor. Le comité de salut-public avait, durant la terreur, préservé le peuple de la disette par le maximum, nourri les armées par les réquisitions forcées, soutenu le crédit public et les assignats par la loi contre les agioteurs. La réaction thermidorienne dans l’intérêt des agioteurs, des gros propriétaires et des financiers, abolit ces lois, protectrices du peuple ; et dès lors il fut affamé par le renchérissement des denrées ; les armées même manquèrent souvent de pain, et restèrent des mois entiers sans solde, par suite de l’énorme dépréciation des assignats ; le Directoire se trouva donc en face d’une situation désastreuse.

« Lorsque les directeurs entrèrent au Luxembourg, palais qui leur était destiné (dit Rewbel, l’un des directeurs), il n’y avait pas un meuble. Ils s’assirent dans un cabinet, autour d’une table boiteuse, sur laquelle ils déposèrent un cahier de papier à lettre et une écritoire, dont l’un d’eux s’était précautionné. Assis sur quatre chaises de paille, les membres du Directoire, après avoir examiné toutes les difficultés de la situation, arrêtèrent qu’ils feraient face à tous les obstacles, qu’ils retireraient la France de l’abîme où elle était plongée, ou qu’ils périraient… »

Malgré la désorganisation et la détresse où les thermidoriens avaient réduit la France, malgré les audacieux progrès de la réaction, la révolution