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primaires, composées de censitaires ; et parmi eux, grâce à l’exclusion du prolétariat, dominait la réaction. Certaine d’obtenir la majorité lors des prochaines élections, elle comptait ainsi, disposant des conseils et du Directoire, porter les derniers coups à la république expirante et restaurer la monarchie. Les royalistes, déçus de leur espoir par le décret imposant la réélection des deux tiers des conventionnels, soulevèrent contre ce décret les assemblées primaires ; le 11 vendémiaire an III (octobre 1795), les sections bourgeoises et aristocratiques du centre de Paris, celles des Filles-Saint-Thomas et de la Butte-des-Moulins, entre autres, devinrent le centre du mouvement, et une foule d’émigrés rentrés ou d’ex-suspects formèrent le noyau de l’insurrection ; elle déclara le décret de la réélection des deux tiers des conventionnels attentatoire aux droits du peuple souverain, prit les armes et organisa un conseil de résistance sous la présidence du DUC DE NIVERNAIS. (Quel nom ! quel drapeau à la tête d’une insurrection prêchée au nom du peuple souverain.) La Convention nomma un comité de défense et eut l’impudence d’appeler à son secours les derniers survivants de ces patriotes des faubourgs, qu’après thermidor elle avait envoyés en masse à l’échafaud ou dans les prisons, et qu’elle venait de dépouiller de leurs droits civiques. Douze ou quinze cents patriotes eurent la générosité de répondre à cet appel, moins, il faut le dire, par dévouement à la Convention que par haine des royalistes. Ceux-ci, au nombre de quarante mille hommes environ, commandés par les généraux Danican, Duhoux et l’ex-garde du corps Lafond, marchèrent contre les troupes de la Convention et remportèrent d’abord quelque avantage dans cette lutte ; mais Barras, général en chef de la force armée dont disposait l’Assemblée, s’était adjoint le chef de bataillon Bonaparte, dont la renommée militaire datait du siège de Toulon. Cet officier fit venir l’artillerie du camp des Sablons, prit d’habiles dispositions stratégiques ; et l’intrépide élan du bataillon des patriotes de 93, entraînant les troupes conventionnelles, l’insurrection royaliste fut écrasée sur les marches de l’église Saint Roch, le 13 vendémiaire an III. Le résultat des élections ne prouva que trop, d’ailleurs, combien était fondé l’espoir de la réaction : presque tous les députés élus pour s’adjoindre dans les deux conseils aux deux tiers des anciens conventionnels, appartenaient à l’opinion contre-révolutionnaire. La Convention employa sa dernière séance à organiser les conseils : celui des Anciens fut composé de deux cent cinquante membres, les autres députés formèrent le conseil des Cinq-Cents ; Les membres du Directoire, élus par ces