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ce qui touche ses combinaisons stratégiques ! pour écouter, soutenir, provoquer au besoin les réclamations des soldats sur l’existence, sur les droits desquels le représentant du peuple doit veiller avec une sollicitude paternelle, afin de leur faire justice si leurs réclamations sont fondées à ses yeux ; et cependant conserver au général en chef l’indispensable prestige du commandement ; ne pas porter la moindre atteinte à son autorité militaire ! ne blesser en rien, ni son amour-propre, ni sa susceptibilité, ni la conscience de son génie, et pourtant lui faire constamment sentir, lui prouver, à lui et à ses troupes, qu’en sa mission le représentant du peuple domine le général en chef et son armée de toute la hauteur de la souveraineté du peuple et du salut public dont il est l’incarnation visible ! Enfin, investi d’un pouvoir illimité, ayant le droit de destituer, depuis le chef de l’armée jusqu’au sous-lieutenant, et de les renvoyer devant le tribunal révolutionnaire rendre compte, sur leurs têtes, de leurs actes, le représentant du peuple doit user de cette puissance redoutable avec un discernement, une prudence, une réserve que peuvent seules égaler son infaillible sagacité à découvrir l’impéritie, l’improbité ou la trahison, et son inexorable rigueur à les punir ! Mais, dans d’autres circonstances, l’autorité du représentant du peuple en mission est entière, absolue, complètement en dehors de celle du général. Alors, celui-ci est subordonné à un rôle passif ou tout au plus officieux. Ainsi, s’agit-il du sens et de la portée politique des proclamations à adresser aux nations étrangères avant la bataille ou après la victoire, s’agit-il de la quotité ou de la nature des impôts à frapper sur des villes conquises, s’agit-il enfin de traités de paix provisoires, le représentant du peuple est omnipotent, ses arrêtés doivent être contre-signés sans observation par le général en chef.

Ah ! fils de Joël, disons-le à l’honneur impérissable de la révolution, presque tous les représentants du peuple auprès des armées ont été à la hauteur de leurs fonctions ! Ils ont inexorablement frappé les incapables, les dilapidateurs ou les traîtres ; ils ont soutenu, protégé, défendu, glorifié les généraux patriotes, vaillants et intègres ; ils ont, par leur présence, par leur exemple, exalté jusqu’à l’héroïsme du sacrifice le civisme des troupes et leur dévouement à la république ! mais disons-le aussi à leur honneur éternel, malgré le sentiment, la conscience de leurs droits de citoyens, dont la subordination ne pouvait les dépouiller, volontaires et soldats de ligne respectèrent toujours la discipline et l’autorité militaire, en s’inclinant néanmoins avant tout devant les arrêts suprêmes des représentants