Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/188

Cette page n’a pas encore été corrigée

présence de laquelle toute délibération devenait impossible : ce malheureux événement serait oublié dans l’union fraternelle de la Convention et du peuple, et ses désirs, si légitimes, si modérés, seraient satisfaits sans combat, sans effusion de sang, et le sein de la mère patrie ne serait plus déchiré par des luttes fratricides, etc… » En un mot, ces fourbes surent, avec une si perfide habileté, exploiter la crédulité du peuple, toujours confiant et facile à abuser lorsqu’on fait appel à sa générosité, que les citoyens des faubourgs, à demi convaincus du bon vouloir de la Convention, déléguèrent une députation à l’Assemblée, afin de lui exposer de nouveau leurs griefs. L’orateur du peuple parut écouté cette fois avec faveur par la Convention ; son président, organe de la majorité, promit aux délégués qu’elle prendrait leur demande, en sérieuse considération. Ces vagues assurances, dénuées de toute garantie, rapportées aux griefs de l’insurrection ne les contentèrent qu’à demi ; mais quelques-uns, y ajoutant naïvement foi, regagnèrent leur pauvre demeure aux cris de : Vive la république, et au chant de la Marseillaise. L’exemple fut contagieux et bientôt ainsi se dissipa d’elle-même cette force armée qui, concentrée sous les ordres d’un homme habile et énergique qui, siégeant à l’Hôtel de Ville et y organisant une commune révolutionnaire provisoire, composée de ce qui restait d’anciens patriotes de 1793, aurait pu changer la face des choses, et reconquérir le terrain gagné par la réaction thermidorienne. La Convention, pendant que ses émissaires abusaient de la noble confiance du peuple, dépêchait de nombreux courriers, afin de mander en toute hâte à Paris plusieurs régiments de ligne, renforcés de cavalerie et d’artillerie. Ces troupes, au nombre de vingt-cinq mille hommes, furent mises sous les ordres des généraux de l’Assemblée ; la concentration de cette armée à Paris, appelée dans un but facile à prévoir, faillit rallumer l’insurrection dans le faubourg Antoine ; déjà des sections battaient le rappel, des groupes animés se formaient, lorsque plusieurs manufacturiers influents se jetèrent parmi les ouvriers, les adjurant, au nom de leur propre intérêt, de ne pas exposer la capitale à de nouvelles crises qui paralyseraient le commerce, et les obligeraient, eux manufacturiers, de fermer leurs fabriques ; ils se portèrent garants des bonnes intentions de la majorité, thermidorienne et supplièrent, les citoyens du faubourg de donner au gouvernement de la république un gage de confiance, de paix et de concorde en livrant les canons de leurs sections. Ce langage, habile et perfide, la crainte de voir les chefs d’industrie fermer leurs établissements, mesure qui plongerait tant de familles dans une