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les citoyens dans le sein de la Convention. Vite la Convention nationale ! Vive la république ! »

Telle fut l’issue de cette première journée. Les troupes conventionnelles restèrent maîtresses de la salle des séances dans la soirée du 1er prairial ; mais l’insurrection, loin d’être comprimée par cet échec, prit, au contraire, un développement formidable. Les sections républicaines du faubourg Antoine, des Quinze-Vingts, de Popincourt, de Montreuil, etc., devinrent le centre du mouvement. Elles avaient jusqu’alors conservé leurs canons ; et, dans la nuit du 1er au 2 prairial, une force de trente mille hommes environ, assez bien armés, disposant d’une nombreuse artillerie, furent debout et prêts à marcher contre la Convention ; ils manquaient malheureusement de chefs politiques, les représentants montagnards Romme, Bourbotte, Soubrany, Prieur (de la Marne), etc., organes des vœux populaires au sein de l’Assemblée ayant été arrêtés après la dispersion des patriotes. Cependant au point du jour, les sections républicaines descendirent des faubourgs en masses profondes, traînant leurs canons, mèche allumée. Elles forcèrent à se replier devant elles, en grand désordre, plusieurs sections thermidoriennes et quelques compagnies de la nouvelle garde bourgeoise, qui allèrent se reformer dans le jardin des Tuileries. Les faubourgs, s’avançant au pas de charge par les rues adjacentes, mirent leurs canons en batterie contre la Convention. Mais n’ayant pas à leur tête un homme capable d’organiser l’attaque et de les prémunir contre la perfide et hypocrite diplomatie des thermidoriens, les chefs de l’insurrection délibérèrent au lieu d’agir : les uns voulaient résolument dissoudre la Convention, les autres se borner à renouveler la pression morale du 31 mai ; ces discussions absorbèrent un temps précieux, irréparable, jetèrent l’indécision dans les esprits ; les canonniers des sections contre-révolutionnaires se présentèrent désarmés aux sections des faubourgs, leur demandant de fraterniser au nom de la république, les assurant qu’il s’agissait d’un fatal malentendu ; la Convention, quelque peu troublée la veille par l’envahissement de la salle, n’avait pu, au milieu du tumulte, prendre en considération les justes exigences du peuple souverain, mais elle était désormais décidée d’y faire droit. Bientôt, afin de corroborer ces mensongères assurances, une députation de dix représentants du peuple se mêla aussi parmi les insurgés, leur protestant, les larmes aux yeux, la main sur le cœur, — « que l’Assemblée s’empresserait d’accorder à une manifestation pacifique ce qu’elle n’avait pu accorder la veille à une invasion violente, en