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liberté sont bien précieuses au peuple, puisqu’il leur sacrifie le plus pur de son sang et ses plus douces jouissances.

» La plupart des denrée sont presque aussi abondantes qu’elles l’étaient les années dernières, et cependant une cupidité effrénée en fait centupler les prix. Doit-il dépendre de la portion de ceux qui ont les subsistances entre leurs mains d’affamer à leur gré le citoyen ? Les législateurs de tous les temps, de tous les pays, ont établi des mesures répressives d’un abus aussi révoltant, d’une cupidité aussi criminelle. Soyez justes, législateurs, mais réprimez par des mesures sages et sévères les agioteurs, des malveillants et les affameurs. »

La majorité de la Convention, par l’organe de son président, opposa une sorte de fin de non-recevoir à ces demandes si justes, si modérées ; les patriotes des tribunes, craignant de voir se reproduire l’insuccès des journées de germinal, se rendirent alors au milieu de la foule, l’exaltèrent en la persuadant qu’elle n’obtiendrait rien par des réclamations pacifiques ; et, de nouveau, la Convention fut envahie d’une foule armée. Ces quelques passages du Moniteur, bien qu’empreints d’une évidente partialité pour la majorité thermidorienne de la Convention, relatent cependant l’ensemble des faits avec exactitude.

« Un huissier annonce que l’insurrection a envahi les Tuileries. Les cris : Aux armes ! aux armes ! se renouvellent dans le salon de la Liberté. La force s’y porte. — Le président se couvre, la Convention reste calme. — Un bataillon traverse la salle pour se rendre au milieu du trouble, en criant : Vive la république ! Bientôt les baïonnettes se croisent, un combat s’engage à la porte, qui a été brisée ; des coups de fusil sont tirés : ils sont dirigés sur la Convention ; tous les membres se lèvent en criant : Vive la république ! On remarque parmi les insurgés un homme qui porte sur son chapeau ces mots écrits avec de la craie : DU PAIN ET LA CONSTITUTION DE 93.

»… Une foule nombreuse de femmes et d’hommes, armés de fusils, de piques et de sabres, entrent dans la salle de l’Assemblée ; ils portent tous écrit sur leur chapeau : Du pain et la constitution de 93, et font retentir la salle de ces mêmes expressions ; ils prennent place sur les bancs qu’ils forcent les députés de leur céder. D’autres remplissent le parquet, s’arrêtent en face du président ; un citoyen arrache à l’un d’eux son chapeau, sur lequel était l’inscription que nous avons rapportée. La foule se précipite sur le premier ;