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à la cupidité des accapareurs, leurs complices, la subsistance du peuple ; néanmoins, à force de fausses promesses, la Convention parvint à décider les envahisseurs de la salle à se retirer. Cette journée n’eut d’autre résultat que de faire décréter l’arrestation de presque tous les républicains siégeant à la montagne, et qui avaient applaudi à l’invasion de l’Assemblée. Billaud-Varrenne, Thuriot, Choudieu, Foussedoire, Cambon, citoyens d’une moralité irréprochable, furent mis en accusation sur la motion de l’infâme Fréron, qui poussait dans son journal la jeunesse dorée à assommer les patriotes. Vadier, non moins scélérat que Fréron, demande l’arrestation de Moïse Bayle, de Hentz, de Maignet, de Levasseur (de la Sarthe), de Crassous, de Lecointre (de Versailles), tous républicains éprouvés, les derniers défenseurs, les derniers chefs sur qui le peuple pouvait encore compter ; la Convention compléta ses mesures contre-révolutionnaires, le 28 germinal an III (17 avril 1795), en décrétant l’organisation d’une garde bourgeoise, comme aux beaux temps du massacre du champ de Mars. Le royalisme, enhardi, se montrait tête levée dans les provinces avec une audace croissante. À Rouen, à Lyon, les patriotes étaient poursuivis, menacés avec des raffinements de barbarie exécrable, aux cris de : Vive le roi ! À Paris, la misère dépassait toute croyance. On lit dans les Annales patriotiques, 30 floréal an III (19 mai 1795) : — « Il serait impossible de trouver aujourd’hui sur le globe un peuple aussi malheureux que l’est celui qui habite la ville de Paris. Nous avons reçu hier deux onces de pain par personne. Cette ration a été diminuée aujourd’hui ; cette mesure a jeté de nouvelles alarmes dans l’esprit du peuple ; il murmure aujourd’hui plus haut que jamais ; toutes les rues retentissent des plaintes de ceux qui souffrent la faim. »

Ainsi se révélaient et croissaient chaque jour les funestes conséquences du rappel de la loi du maximum au profit des accapareurs. Le peuple se rappelait avec d’amers regrets et une sombre désespérance qu’aux jours de la terreur, alors que la France, menacée au dedans et au dehors, faisait face de toutes parts à ses ennemis, le pain était bon marché, les assignats ne perdaient rien de leur valeur ; les veuves, les orphelins des citoyens morts aux frontières trouvaient dans la reconnaissance nationale compassion, aide et secours ! L’impuissance du mouvement de germinal, resté sans résultats, engage les faubourgs à se mieux concerter pour une insurrection décisive. Quelques débris du club des Jacobins, hommes d’action et d’initiative, échappés à l’échafaud, à la prison ou aux assommoirs de la