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et assassiné le 9 thermidor, Robespierre fut, après sa mort, en butte aux plus noires, aux plus infâmes calomnies historiques ; sa mémoire est vouée désormais à l’exécration du monde ; il est aujourd’hui admis, convenu, avéré pour l’immense majorité des esprits, « que Robespierre, ayant tyrannisé la France, dressé les échafauds de la terreur, fait couler le sang à torrents, vit enfin se soulever contre lui l’opinion publique exaspérée, et que le 9 thermidor assura le triomphe des honnêtes gens et mit fin au règne de la terreur, personnifié dans Robespierre, ce féroce dictateur, ce tigre altéré de sang, etc., etc. » Or, ce jugement, plus monstrueux encore peut-être par son absurdité que par son injustice, est de tous points le contraire de la vérité. Des faits, des actes vous l’ont prouvé, fils de Joël : l’unique but de Robespierre, depuis la présentation de la loi de prairial, était d’expulser des comités du salut public et de sûreté générale, ainsi que de la Convention, les hommes souillés de crimes qui déshonoraient l’Assemblée par leur présence, de les envoyer devant le tribunal révolutionnaire, et de mettre ainsi fin à cette recrudescence de terreur atroce et lâche dont ils étaient les instigateurs, et qui devenait aussi abominable que la terreur de 1793 avait été nécessaire, et plus que légitimée par les sanglants et innombrables attentats des aristocrates et des prêtres, fauteurs de la guerre civile et complices de l’étranger. Les ennemis mêmes de Robespierre lui reprochèrent d’avoir voulu sauver les soixante députés girondins, Madame Élisabeth, Danton, Chabot, Bazire, Camille Desmoulins ; et après son arrestation, Barère l’accusa d’avoir voulu faire fusiller les membres du tribunal révolutionnaire et Fouquier-Tainville, comme des traîtres qui perdaient la république par leur iniquité ; aucun acte écrit ou verbal ne peut incriminer directement ou indirectement Robespierre de complicité dans les excès des terroristes, qu’il abhorrait. La prétendue dictature qu’il exerçait est une fable non moins absurde ; car, si parfois la majorité du comité de salut public vota les mesures qu’il proposait, il trouva plus souvent encore cette majorité hostile à ses vues gouvernementales. Enfin, lorsque la réaction royaliste, triomphante après thermidor, réalisa le projet vainement tenté par Robespierre, à savoir, la mise en accusation des hébertistes et des terroristes du comité et de la Convention, ceux-ci démontrèrent par mille preuves irrécusables que, loin d’être les complices de Robespierre, ainsi que le leur reprochait l’acte d’accusation, ils avaient toujours été ses adversaires acharnés.

Enfin, dernier fait d’une signification terrible, quelle était la moralité