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Lecourt, fournisseur du roi et de ses troupes, rue Saint-Honoré, près celle des Poulies, à Paris. Il se servait de ce sac pour retirer le sang caillé qui sortait de sa bouche. Les citoyens qui l’entouraient observaient tous ses mouvements ; quelques-uns d’entre eux lui donnèrent même du papier blanc (faute de linge) qu’il employait au même usage, en se servant de la main droite seulement et en s’appuyant sur le coude gauche. Robespierre, à deux ou trois reprises différentes, a été invectivé par quelques citoyens, mais particulièrement par un canonnier de son pays, qui lui reprocha militairement sa perfidie et sa scélératesse. Vers six heures du matin, un chirurgien qui se trouva dans la cour du Palais-National, fut appelé pour le panser [1]. Il lui mit par précaution une clef dans la bouche ; il trouva qu’il avait la mâchoire fracassée ; il lui tira deux ou trois dents, lui banda sa blessure, et fit placer à côté de lui une cuvette remplie d’eau ; Robespierre s’en servait de temps en temps et retirait le sang qui remplissait sa bouche avec des morceaux de papier, qu’il ployait à cet effet en plusieurs doubles, de sa seule main droite. Au moment où l’on y pensait le

  1. Voici ce rapport, empreint de la haine des partis. N’est-il pas exécrable de voir des médecins prodiguer l’outrage au blessé à qui leurs soins sont nécessaires ? Le point capital de ce rapport est cette déclaration que le coup de pistolet dont a été atteint Robespierre était tiré de haut en bas, ce qui prouve évidemment que Robespierre ne s’est pas suicidé, mais a été assassiné par le gendarme Herda, ainsi qu’il résulte d’ailleurs du texte même du Moniteur :
    « Nous, soussignés, officier de santé de première classe des armées de la république et chirurgien-major des grenadiers servant pour la Convention, ayant été requis ce matin, à cinq heures, par les représentants du peuple composant le comité de sûreté générale, de panser la blessure du scélérat Robespierre l’aîné, avons trouvé le susnommé étendu sur une table, dans une des salles du palais des Tuileries ; il était tout couvert de sang, tranquille en apparence et ne témoignant pas éprouver beaucoup de douleur ; le pouls se faisait sentir petit et concentré. Après avoir lavé la figure du blessé, nous avons aperçu d’abord un gonflement à toute la face, plus considérable à gauche (le côté blessé) ; il y avait aussi érosion à la peau et ecchymose à l’œil du même côté. Le coup de pistolet avait porté au niveau de la bouche, à un pouce de la commissure des lèvres. Comme sa direction était oblique de dehors en dedans, de gauche à droite, DE HAUT EN BAS, et que la plaie pénétrait dans la bouche, elle intéressait extérieurement la peau, le tissu cellulaire, les muscles à triangulaire, buccinateur, etc. En introduisant le doigt dans la bouche, nous avons trouvé fracture avec esquilles à l’angle de la mâchoire inférieure, et nous avons retiré les dents canines, première molaire, et quelques portions d’os, etc.
    » Pendant tout le temps du pansement, le monstre n’a pas cessé de nous fixer sans proférer un mot. L’appareil appliqué, nous l’avons couché sur la même table et en parfaite connaissance.
    » Paris, ce décadi 10 thermidor, l’an II de la république française une et indivisible. — signé, VERGEZ fils, officier de santé de première classe ; HARRIGUES. »