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vous saurez la situation où vous êtes. (Parlez ! parlez ! Écoutez ! ) Lorsque hier, Robespierre vous a dit qu’il s’est éloigné du comité parce qu’il y était opprimé, il a eu soin de ne pas vous faire tout connaître, il ne vous a pas dit que c’est parce qu’ayant fait dans le comité sa volonté pendant six mois, il y a trouvé de la résistance au moment où, seul, il a voulu faire rendre le décret du 22 prairial, ce décret qui, dans les mains impures qu’il avait choisies, pouvait être funeste aux patriotes. (Murmures d’indignation dans l’Assemblée.) Sachez, citoyens, qu’hier, le président du tribunal révolutionnaire a proposé ouvertement au club des Jacobins de chasser de la Convention tous les hommes impurs, c’est-à-dire tous ceux qu’on veut sacrifier. Mais le peuple est là, et les patriotes sauront mourir pour sauver la liberté. (Oui ! oui ! s’écrient une foule de voix ; bruyants applaudissements.) Je le répète, nous mourrons tous avec honneur, car je ne crois pas qu’il y ait ici un seul représentant qui voulût exister sous un tyran. »

Nouvelles explosions d’applaudissements et de clameurs frénétiques : — Non ! non ! périssent les tyrans ! — Ces imprécations sont répétées par les spectateurs des tribunes ; le tumulte est à son comble. Robespierre, ne pouvant maîtriser plus longtemps son indignation, s’élance de son banc, se précipite vers le bureau, fait signe à Saint-Just de lui céder la place, et va monter les premiers degrés de la tribune, lorsque éclate une nouvelle explosion de cris furieux : — À bas le dictateur ! à bas le tyran ! — Robespierre, renonçant en ce moment à surmonter cet épouvantable tumulte, reste au pied de la tribune.

TALLIEN, de sa place, et d’une voix éclatante. — « Je demandais tout à l’heure qu’on déchirât le voile. Je viens d’apercevoir avec plaisir qu’il l’est entièrement ; les conspirateurs sont démasqués, ils seront bientôt anéantis, et la liberté triomphera. (Applaudissements prolongés.) Tout annonce que l’ennemi de la représentation nationale va tomber sous ses coups. (Oui ! oui ! bravo ! ) Nous donnons à notre république naissante une preuve de notre loyauté républicaine. Je me suis imposé jusqu’ici le silence, parce que je savais d’un homme qui approchait le tyran de la France qu’il avait formé une liste de proscription. Je n’ai pas voulu récriminer, mais j’ai su ce qui s’est passé hier à la séance des Jacobins ; j’ai frémi pour ma patrie ; j’ai vu se former l’armée du nouveau Cromwell ! (Tallien, en ce moment, tire un poignard de sa poche, et poursuit, en brandissant son arme.) Je me suis armé d’un poignard pour