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lui, va lui parler à l’oreille en lui désignant du regard Saint-Just, entrant alors dans la salle ; il s’entretient à voix basse avec Robespierre. Celui-ci semble lui adresser une dernière recommandation, à laquelle Saint-Just répond par un signe de tête affirmatif. Bientôt Couthon, de qui la figure juvénile, régulière et douce, contraste étrangement avec son impotence, est porté par deux huissiers jusqu’à son banc, où il prend place entre Robespierre le jeune, digne de son frère par l’intégrité de ses mœurs, et Lebas, l’un des caractères les plus éminents, les plus purs, les plus généreux, les plus énergiques de notre temps, et que nous avons vu à l’œuvre, ainsi que Saint-Just, soit à l’armée de Rhin et Moselle, soit à Strasbourg, où ils accomplirent de si grandes choses par des mesures révolutionnaires sans répandre une goutte de sang. Bien avant l’ouverture de la séance, les tribunes ont été presque entièrement remplies de gens choisis et apostés par les ennemis de Robespierre. Celui-ci regagne son banc ; on lit sur ses traits austères un mélange de préoccupation et de ferme assurance ; car, ignorant le complot ourdi contre lui, il compte sur le discours de Saint-Just, qui doit élucider la question laissée la veille si malheureusement dans le vague et la poser nettement. Les conversations particulières, les continuelles allées et venues des principaux chefs des factions coalisées qui échangent des signes et des paroles d’intelligence, et semblent se donner de mystérieux mots d’ordre, occupent les derniers moments qui précèdent l’ouverture de la séance. Billaud-Varenne paraît en ce moment avec l’un des vice-présidents de la Convention, Thuriot, terroriste aussi irréprochable dans sa vie privée que l’est Billaud-Varenne ; tous deux sont accostés par Fouché ; il leur parle tout bas, avec ce ricanement cynique qui donne à sa face patibulaire une expression de hideuse impudence. L’aspect général de l’Assemblée est inquiet et sinistre. La majorité des représentants du peuple, masse flottante, indécise, après avoir subi, tantôt par crainte, tantôt par conviction, l’irrésistible ascendant de Robespierre, alors qu’aux jours les plus critiques de la révolution en péril au dedans et au dehors, il proposait au nom du comité de salut public et faisait accepter les décrets qui sauvèrent la France et la république, la majorité des représentants du peuple, disions-nous, appartenant aux diverses nuances de la Convention, et n’étant pas dans le secret des conjurés, se trouvait encore sous l’impression des vagues menaces renfermées dans le discours prononcé la veille par Robespierre ; aussi, chaque parti voit en lui un ennemi mortel. Soudain, le tintement de la sonnette de Collot-d’Herbois domine