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au lieu de vous unir aux royalistes, afin de ramener le plus tôt possible la monarchie, le règne de nos rois légitimes.

TALLIEN. — Diable ! vous allez vite en besogne… Et le vote du 21 janvier ?

LE JÉSUITE. — Bon ! bon ! nous arrangerons ceci, mes honorables et chers régicides. Entre nous, Son Altesse Royale monseigneur le comte de Provence, aujourd’hui roi de France in partibus, n’a point dû être déjà tant fâché de voir guillotiner monsieur son frère ; et si ledit comte de Provence revient occuper le trône sous le nom de Louis XVIII…

FOUCHÉ, riant. —… Nous lui dirons, après tout : « N’est-ce pas nous autres régicides qui vous avons fait roi… en envoyant LouisXVI à la guillotine ? »

LE JÉSUITE. — Parfaitement raisonné. Aussi Louis XVIII, frappé du génie que décèle votre réponse, vous nomme son premier ministre ?

FOUCHÉ. — Pourquoi non ?… Les anciens braconniers ne deviennent-ils pas les meilleurs gardes-chasse, et les anciens voleurs les meilleurs mouchards ? Mais, revenons à la question actuelle ; vous l’avez posée à merveille. Oui, pour les royalistes, pour les modérés, pour les corrompus, pour les terroristes, Robespierre est l’ennemi ; donc il faut qu’il tombe ; et cela d’urgence, et cela demain, 9 thermidor, sinon nous sommes tous perdus. Or, maintenant, par quels moyens pratiques renverserons-nous Robespierre et les jacobins, et les enverrons-nous à la guillotine ?

DURAND-MAILLANE. — Nous devrions, selon moi, profiter de la faute commise aujourd’hui par Robespierre. Remarquez, messieurs, que cette fois encore, ainsi que lors de la présentation de la loi du 22 prairial, il a manqué de décision et de clarté dans son discours ; il a menacé vaguement les factions, les fripons, les scélérats, les représentants du peuple qui déshonorent la Convention ; il a parlé non moins vaguement de ramener le gouvernement de la république à un régime plus doux, au lieu d’articuler nettement ceci : « — L’opinion publique est révoltée contre le redoublement de terreur qui règne depuis six semaines et contre la trop longue impunité accordée aux crimes des proconsuls terroristes ; donc je demande la mise en accusation de Fouché, Tallien, Carrier, Collot-d’Herbois, Billaud-Varenne, Bourdon de l’Oise et quelques autres, une douzaine au plus. » Évidemment, la majorité de la Convention, ainsi sommée publiquement de satisfaire l’opinion publique, en décrétant l’accusation des